L’usine Liberty Steel à Dudelange est à l’arrêt depuis plus de trois ans et accumule les dettes. L’entreprise doit plusieurs millions d’euros au fisc et à la Sécurité sociale, et fait face à des échéances de remboursement d’un prêt garanti par l’État. Pour 150 salarié·es toujours en poste dans l’établissement, l’incertitude grandit de jour en jour.

(Photo : Towfiqu Barbhuiya/Pexels)
Les mois se suivent et se ressemblent presque chez Liberty Steel Dudelange. Après les péripéties sur le versement des salaires du mois d’août, c’est désormais l’accumulation de dettes qui assombrit encore un peu plus l’avenir de l’usine spécialisée dans la galvanisation. La société doit quelque quatre millions d’euros au fisc et à la Sécurité sociale, selon des informations du woxx. Elle fait également face à une échéance de prêt, fin octobre, auprès de la Spuerkeess, dont une partie au moins avait été garantie par l’État.
Liberty Dudelange fait en outre l’objet de relances répétées de fournisseurs qui n’ont pas été payés, ou seulement partiellement, indique une source interne. Une situation qui a entraîné l’arrêt des approvisionnements et la quasi-mise à l’arrêt de l’usine depuis le printemps 2021. Les 150 salarié·es toujours en poste sont dispensé·es de travail à mi-temps et effectuent des travaux d’entretien de l’outil de production le reste du temps. Leurs salaires avaient été versés avec régularité chaque mois jusqu’en août, où leur paiement a accusé trois semaines de retard. « C’était comme un contrat entre la direction et les salarié·es, mais désormais la confiance est rompue et les gens se demandent s’ils seront payés ce mois », constate Stefano Araujo, membre du bureau exécutif de l’OGBL.
Pour les salarié·es, l’incertitude est encore montée d’un cran ce 23 octobre, quand la délégation du personnel a été informée de l’envoi par l’Administration des contributions directes (ACD) de courriers recommandés au directeur du site, aux deux fondés de pouvoir et à l’ex-directeur financier pour leur rappeler leur responsabilité dans le « non-paiement volontaire » d’une partie des impôts 2023 et 2024 sur les traitements et salaires du personnel. Ce « bulletin d’appel en garantie » indique notamment qu’ils peuvent faire l’objet de saisies sur leurs propres salaires et biens personnels. Une menace qui a quelque peu semé la panique à la tête de l’établissement, rapportent des employé·es. Tout comme son collègue de l’OGBL, Robert Fornieri, secrétaire général adjoint du LCGB, évoque « une situation catastrophique : les créanciers frappent à la porte et des poursuites en justice pourraient aboutir au placement en faillite de l’entreprise ». Tous deux disent désormais se préparer au pire.
Les contribuables vont-ils payer ?
La situation est d’autant plus sérieuse qu’un autre créancier, la Spuerkeess, exige un remboursement de prêt dans les tout prochains jours. Une partie au moins de ces sommes a été empruntée dans le cadre d’un prêt garanti par l’État à hauteur de 85 pour cent, un dispositif de sauvegarde adopté lors de la pandémie de Covid-19. De combien s’agit-il précisément ? Divers chiffres circulent, allant de 10 à 20 millions d’euros. Compétent sur le sujet, le ministère des Finances refuse d’en dire davantage, opposant « des raisons de confidentialité » qui l’empêchent de « fournir des détails sur une entreprise en particulier ». Au bout du compte, ce sont pourtant bien les contribuables qui pourraient en être de leur poche pour rembourser un prêt accordé à une entreprise dont on savait pourtant qu’elle était fragilisée à l’extrême. Mais sans cet apport, l’usine aurait probablement périclité, une situation dont Liberty a opportunément tiré profit. La multinationale est au bord de l’effondrement depuis la faillite de son bras financier, Greensill Capital, au printemps 2021. Dans cette affaire, le groupe dirigé par l’homme d’affaires britannique Sanjeev Gupta est soupçonné de fraude et de blanchiment d’argent.
De son côté, le ministère de l’Économie reconnaît être informé des déboires fiscaux de Liberty Dudelange, un dossier qu’il surveille comme le lait sur le feu. L’avenir de l’usine est devenu une question éminemment politique, alors que l’heure est à l’affirmation de la souveraineté industrielle nationale et plus largement européenne. Tant l’ACD que le Centre commun de la sécurité sociale, qui réclame le versement des cotisations sociales, pourraient donc être amenés à modérer leurs menaces à l’encontre de l’entreprise. Il en va de même de la Spuerkeess, dont l’actionnaire est l’État. Gouvernement comme syndicats espèrent toujours que le site trouvera un repreneur. Des négociations sont en cours avec plusieurs acteurs, mais celles-ci achoppent sur les exigences démesurées de Liberty, indique une source au fait du dossier.

