Sur Netflix : Sawah

Parce que le woxx avait honteusement raté sa sortie dans les salles, la diffusion de « Sawah » sur le géant américain Netflix est la meilleure occasion de se rattraper et de vous parler de ce film qu’on aime plutôt bien.

Duo improbable : Samir et Daniel font tout pour échapper à la cavalerie grand-ducale et aux divers malfrats à leurs trousses. (Photos : Wady films)

Être DJ au Caire n’est pas une tâche facile. Au-delà des problèmes logistiques, il faut composer avec les forces de l’ordre et la politique toujours instable. Entre les insurrections successives, Samir cherche son chemin pour vivre de sa passion musicale. Sous le nom de DJ Skaraab, il participe à des concours et se voit offrir un voyage à Bruxelles pour représenter son pays dans le mondial des DJ. Alors qu’il voyage déjà le cœur lourd à cause de sa copine Amal, journaliste-photographe – métier autrement plus dangereux en Égypte que DJ –, et sans le soutien de son père qui ne veut rien entendre des rêves de son fiston, il arrive dans un pays dont il ne suspectait pas l’existence : le grand-duché de Luxembourg. Et c’est là que les problèmes commencent vraiment. Vu que son vol de transit pour la Belgique a été remplacé par un autocar à cause d’une grève, il atterrit par hasard dans les griffes de la police grand-ducale, qui le confond avec un réfugié et lui passe les menottes. Samir n’a que quelques heures pour se sortir de cet imbroglio.

Avec la crise du coronavirus en arrière-plan et les emmerdes causées par les frontières fermées, le contexte livré par « Sawah » est devenu plus réaliste pour le public européen. Pouvoir quitter son pays, ne pas être privé de la liberté de voyager sont des privilèges que beaucoup d’entre nous pensaient acquis. « Sawah » montre comment des personnes d’autres pays perçoivent notre continent et sont perçues par lui. Et cela sans forcer sur les glandes lacrymales, sans leçons de morale. Bref, Samir veut se rendre en Belgique, mais il reste à des milliers de kilomètres des frères Dardenne et de leur naturalisme.

Ce qui réussit au metteur en scène Adolf El Assal est l’équilibre entre une histoire en soi dramatique et un road-movie furieusement comique. Pour échapper à la police luxembourgeoise, Samir doit se fondre dans les décors d’un sous-monde, celui et illégales, des sans-papiers et donc forcément des criminel-le-s. Un monde qui existe bel et bien au Luxembourg, mais qui reste invisible au quotidien. Il y croise Daniel, un Congolais qui se fait passer pour un Juif pour mieux faire du business, des clans de gens du voyage qui ne souhaitent que voyager aux États-Unis mais qui n’ont pas les bons passeports, et des gens engagés qui ont plus d’un tour dans leur sac – et tout ça juste pour se rendre à Bruxelles.

Quand on ressemble un peu trop à un réfugié : Samir juste avant de se faire pincer par la police.

En même temps, El Assal réussit à cacher un deuxième voyage derrière celui totalement déjanté du premier plan : celui de Samir vers lui-même. Son père, avec qui il est en brouille, a tout de même été musicien et a même sorti un tube ; c’est exactement le remix de cette chanson qui va permettre au jeune DJ de continuer sa montée dans le monde de la musique. Certes, la ficelle métaphorique est un peu grosse. Mais les comédies vivent du grossissement des traits, et pour « Sawah », ça fonctionne.

Un des atouts du film est aussi son casting aussi divers et improbable que l’histoire qu’il raconte. Le rôle principal est bien porté par Karim Kassem, star de la télévision et du cinéma égyptien inconnu au bataillon sous nos latitudes. Son incrédulité devant les règles européennes et son sens de la débrouille dans les situations les plus compliquées sont toujours crédibles. Une autre découverte est sûrement Éric Kabongo, acteur et rappeur belge d’origine congolaise, qui joue le compagnon d’infortune de Samir dans sa folle épopée. Le grain de folie qu’il apporte donne un certain drive au film aux instants cruciaux – faisant de lui un des moteurs de « Sawah ». Et Nilton Martins, dans le rôle d’un flic d’origine portugaise frustré, nous change des portraits toujours un peu trop plats des serviteurs d’État grand-ducaux dans les fictions.

Bref, « Sawah » est un film à voir pour se détendre les nerfs et rire un peu des absurdités de notre monde.

Sur Netflix et le 28 mai au drive-in Mamer.

L’évaluation du woxx : XX


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