Syndicalisme : Centenaire, pas grabataire

Une petite trêve dans la lutte – la cérémonie des cent ans des « Fräi Gewerkschaften » a été un spectacle de fractures et d’ouvertures.

1394news_ogblDisons le d’emblée : le prix de l’intervention la plus nulle de la soirée revient sans aucun doute au premier ministre Xavier Bettel. Certes, un libéral à une soirée dédiée aux luttes syndicales, c’est un peu l’éléphant dans la boutique de porcelaine, mais quand même, évoquer l’imagerie dantesque du dialogue social où les syndicats feraient figure d’extincteurs des feux de l’enfer, il fallait oser. Ou, comme l’a remarqué un député plus tard lors de la réception : « Si Juncker avait été l’invité, toute l’audience en serait sortie convaincue que c’est lui qui a fondé l’OGBL. »

À part ça, la séance académique a été plutôt agréable, comparée à d’autres réunions du même genre. C’est surtout le speech d’ouverture des hostilités du président de l’OGBL, André Roeltgen, qui restera dans les mémoires. Devant un parterre de personnalités pas toujours amies des syndicats et des revendications sociales – qui allait du CSV au LSAP en passant par le DP et la Chambre de commerce -, il a tenu un discours de syndicaliste de bonne facture. Fustigeant au passage les politiques d’austérité et leurs conséquences néfastes ainsi que la montée de l’extrême droite partout en Europe, il n’a pas négligé de rappeler les blocages patronaux dans le dialogue social. Une réalité qui, malgré certaines améliorations, reste assez dure à accepter pour le syndicat majoritaire. Surtout face à un gouvernement sans les conservateurs, qui n’a pourtant pas réussi à débloquer de façon crédible le fameux « modèle luxembourgeois ».

Sinon, l’humeur était plutôt celle de l’encensoir. La façon dont les syndicats libres, puis LAV, avant de devenir l’OGBL en 1979, ont façonné l’histoire du pays a été mise en avant toute la soirée, ponctuée par des extraits du film « Streik », une commande du syndicat exécutée par Andy Bausch, présentée au début de l’année et qui sera disponible bientôt en DVD. Et il est vrai que les luttes sociales menées par les organisations ouvrières, leurs victoires et leurs défaites aussi, font indiscutablement partie du Luxembourg tel qu’on le connaît.

Syndicat unique – la plaie béante

Pourtant, la cerise sur le gâteau a été posée par l’historien « rouge » Denis Scuto. En faisant la chronologie des mouvements sociaux et ouvriers du grand-duché dès leurs premiers balbutiements, il a surtout relevé le fait que les premières organisations de type syndical ne dataient pas de 1916, mais de l’année 1848. Donc que la date choisie pour célébrer le centenaire des « syndicats libres » était un peu fortuite, malgré le fait que la fondation du « Luxemburger Berg- und Hüttenarbeiterverband » et du « Luxemburger Berg- und Metallindustriearbeiterverband » en 1916 constituait une avancée notable dans la défense des droits des ouvriers. Un fait que même le patron des patrons de cette époque, Émile Mayrisch, avait noté. Dès 1917, il avait fait savoir aux directeurs de ses usines que le temps où l’on pouvait encore ignorer les revendications ouvrières était révolu et qu’à l’avenir il faudrait composer avec eux au nom de la paix sociale.

Mais Scuto a aussi remué le couteau dans la plaie toujours béante de l’OGBL : celle de ne pas être le syndicat unique au Luxembourg. Ce rêve a pourtant été une constante dans toute l’histoire du syndicat. Mais il a beau détenir la majorité absolue à la Chambre des salariés et disposer de milliers de délégués, son concurrent éternel, le LCGB, résiste toujours.

D’ailleurs, petite anecdote pour la fin et pour illustrer la réalité de cette faille, les serveurs qui arrosaient les invités à la réception après la séance académique étaient bien syndiqués… mais au LCGB !


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