Ardentes ondines de l’Alzette
Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous cheminons à travers les caresses de l’eau qui dort
serpentons d’un gave lorrain en vallons pentus
berçons les hameçons de pêcheurs lyriques
longeons prés et clairières avant de rejoindre au couchant
les moulins fantômes de la capitale endormie
frôlant de nos membres immatériels et pourtant graciles
le héron cendré solitaire du pont des Bons-Malades
Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous sifflons dans les roseaux de la campagne endormie
claironnons à qui veut l’entendre notre ostensible mélopée
déclamons des vers libres et des strophes muettes
soupirons lorsque nous entrons en Sûre
dans un patois que nous seules pouvons entendre
balayant de nos essors factices et pourtant vertigineux
les reflets d’un pont rouge du sang des suicidés
Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous rêvons de la pureté virginale de notre lit
songeons sans ambages aux ballons perdus dans nos flots
échafaudons les projets d’écoulement les plus extraordinaires
dressons l’inventaire de notre court royaume
où jadis officiaient maints artisans désormais caducs
berçant de nos sucs chimériques et pourtant nourrissants
un jardin potager où trône Mélusine
Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous crachons les gouttelettes de la fureur
exhalons les parfums capiteux de l’abondance aqueuse
surgissons à l’improviste au détour d’un orage
recouvrons en un instant la prétention des hommes
aveuglés par notre feinte bonhomie
expulsant nos ires idylliques et pourtant ravageuses
puis à pas feutrés retirant le fruit de notre déchaînement
Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous craignons les miasmes qui nous sont donnés en présents
redoutons vos traîtresses accolades
détournons notre ruissellement du voisinage de votre espèce
fuyons crânement tant que nous le pouvons
avec l’agilité des créatures qui savent leur faiblesse
déployant nos ailes invisibles et pourtant puissantes
pour bannir ce destin qui nous menace inexorablement
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