Serge Basso de March : Les concombres n’ont jamais lu Nietzsche

Après le polar, la pure poésie ou le théâtre, Serge Basso, directeur de la Kulturfabrik et littérateur éclectique, s’essaie donc à l’aphorisme, cet exercice de style un peu négligé dans le grand océan de la poésie contemporaine. Un genre fait pour lui, puisque l’impétrant n’a pas la langue dans sa poche et n’est jamais las de s’en servir. L’opuscule, publié en Belgique aux éditions du Cactus inébranlable, propose donc jeux de mots et réflexions à tire-larigot, dans de courtes phrases indépendantes dont tout gras a été élagué afin de mieux faire briller le trait d’esprit. En rapprochant les sens, en déconstruisant les clichés, en jouant d’homophonies approximatives et en triturant l’orthographe, Basso s’amuse et amuse son lecteur. mehr lesen / lire plus

Pierre Joris : Canto diurno

Bonne idée que cette anthologie personnelle de Pierre Joris en langue française. Jean Portante, par ailleurs codirecteur de la collection « Les passeurs d’Inuits » dans laquelle le livre paraît au Castor Astral, a assuré la coordination des traductions – avec la participation de l’auteur qui, rappelons-le, écrit exclusivement en anglais. Ce livre permet donc à un public francophone de découvrir un nouveau pan de l’œuvre de Joris choisi par le poète lui-même. Un aperçu intelligent, car il mêle les textes très modernes à la structure complexe, de lecture ardue pour un béotien (« Le livre de Luap Nalec », jeu de lettres sur l’auteur fétiche de Joris, Paul Celan) à des poèmes plus lyriques (émouvant « Matrosen Lied » : « Si j’étais un homme / qui tombe encore amoureux des marins / je tomberais sûrement amoureux de lui.  mehr lesen / lire plus

Poésie : Réveil en vers

Au sortir de la léthargie de l’hiver, quoi de plus approprié que de revivre au son de la poésie ? C’est ce que propose depuis début février le quatrième Printemps poétique transfrontalier. Il fera halte à Dudelange lundi prochain.

En mars 2014, pour l’édition inaugurale du Printemps poétique transfrontalier, elles étaient trois auteures francophones (Danièle Corre, Véronique Daine et Hélène Tyrtoff) à se partager les scènes de trois pays, accompagnées par le violoncelliste André Mergenthaler. Maintenant dans sa quatrième année, le projet a bien grandi. Depuis 2016 déjà, deux poètes allemands se sont ajoutés aux représentants de la Belgique, de la France et du Luxembourg pour cet événement itinérant à la fois pédagogique et littéraire. mehr lesen / lire plus

Poésie : Dhaka, Luxembourg et le monde


Anglophone mais basé au Luxembourg, Shehzar Doja reste un personnage discret mais très actif de la scène poétique nationale. À la faveur d’une double actualité, le woxx a choisi de le mettre en lumière.

Shehzar Doja, homme de peu de mots – mais poète puissant. (Photo : © private)

On l’a vu notamment à l’occasion des récents palmarès du Concours littéraire national , l’anglais devient une langue de plus en plus vivante sur la scène des lettres luxembourgeoises. Souvent, cependant, le bouillonnement créatif grand-ducal dans la langue de Shakespeare n’est visible que d’une petite minorité de passionnés. Et pourtant, il recèle un potentiel non négligeable de diversification de l’image artistique du pays. mehr lesen / lire plus

Poésie et cinéma
 : « On ne parle plus de la beauté »

Si la venue au Luxembourg de Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000, n’a pas été saluée par les autorités culturelles du grand-duché, elle a en revanche obtenu un franc succès auprès des amateurs de littérature, d’art plastique ou de cinéma.

Gao Xingjian avec le galeriste André Simoncini, à l’origine de sa venue, devant une toile peinte cet été. Le Printemps des poètes Luxembourg a également soutenu activement cette visite exceptionnelle. (Photos : woxx)

Gao Xingjian avec le galeriste André Simoncini, à l’origine de sa venue, devant une toile peinte cet été. Le Printemps des poètes Luxembourg a également soutenu activement cette visite exceptionnelle. (Photos : woxx)

woxx : Romancier, poète, essayiste, peintre, cinéaste, dramaturge, metteur en scène, photographe… comment faut-il vous présenter ?


Gao Xingjian : L’art pour moi n’est pas un métier, mais une passion. mehr lesen / lire plus

Lambert Schlechter : Inévitables bifurcations

1381kultur_kuerz_schlechterC’est un chantier titanesque que celui que Lambert Schlechter a commencé, voilà dix ans, en publiant « Le murmure du monde ». Chaque tome de cette série, dont « Inévitables bifurcations » constitue la quatrième livraison, explore « La trame des jours » (titre du deuxième volume paru en 2010) sous forme de fragments : des textes courts qui capturent l’essence du temps présent en épousant les contours des vagabondages de la pensée. Ici, l’auteur a choisi de livrer 77 chapitres de longueur égale. Sur deux pages, chacun chemine puis bifurque, inévitablement, vers d’autres horizons, ouvrant grand les possibles et l’imaginaire. mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Marqueterie lyrique


Carla Lucarelli vient de publier aux éditions Phi « Dekagonon », un recueil de prose poétique bilingue en français et en allemand. Rencontre avec une prosatrice dans l’âme qui ne dédaigne pourtant pas de se laisser transformer en poétesse.

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Carla Lucarelli lors de la lecture marathon « Impossible Readings 7 », le 2 juillet dernier au Mudam. (Photo : Bohumil Kostohryz)

« Je me considère comme une écrivaine de prose. La poésie, c’est quelque chose qui me vient de quelque part et qui passe par moi. Quelque chose que j’ai besoin de coucher sur le papier. Ce sont des flashs, des impulsions en quelque sorte, plutôt que de l’inspiration. mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Mots, gestes et sons à foison

La soirée de clôture de la biennale Poema se tiendra ce samedi à la Kulturfabrik et rassemblera bien sûr de nombreux poètes, mais aussi des acteurs, des musiciens et des danseurs. Coup d’œil subjectif sur cet événement poétique aux dimensions hors normes.

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Une nouvelle dimension pour la poésie, à consommer pendant cette soirée assaisonnée de musique ou de danse… (Photo : E. Salquèbre)

Poema, c’est un festival d’envergure qui, tous les deux ans, prend son bâton de pèlerin pour investir la partie francophone de la Grande Région, et qui pousse même jusqu’à Strasbourg ou… Valence. Cette année, depuis janvier, pas loin de 30 lieux ont été visités par une centaine d’intervenants, toutes disciplines confondues, pour un total d’une cinquantaine d’événements. mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Des mots primitifs mais profonds


C’est au grand-duché qu’elle a accompli sa vocation artistique, et notamment publié trois recueils de poésie. Rencontre avec la poétesse et dessinatrice péruvienne Miriam R. Krüger.

 Miriam R. Krüger, après trois recueils de poésie, veut se consacrer désormais à l’écriture et au dessin combinés sous la forme du livre d’artiste. (Photo : woxx)


Miriam R. Krüger, après trois recueils de poésie, veut se consacrer désormais à l’écriture et au dessin combinés sous la forme du livre d’artiste. (Photo : woxx)

Voilà bientôt 20 ans qu’elle est établie au Luxembourg. Pourtant, rien ne prédestinait la jeune femme à s’installer ici : « C’est en fait un pur hasard. J’étais déjà partie du Pérou et j’avais voyagé un peu partout, puisque je travaillais sur un bateau de croisière. Mon idée de départ était de rester à Toulon, mais ça ne s’est pas réalisé. mehr lesen / lire plus

Théâtre : Ingeborg Bachmann et ses voix


Pour son deuxième spectacle au Théâtre national du Luxembourg (TNL) cette saison, l’auteur en résidence Pierre Joris s’est donné le défi de passer à l’écriture théâtrale. La semaine prochaine sera donc créé « The Agony of I. B. ».

1375event« Cela faisait déjà quelques années que j’essayais de me sortir de la petite machine lyrique du poème d’une page, que je peux d’une certaine manière composer automatiquement. J’en ai quand même commis quelques-uns ces dernières semaines, mais cette résidence au TNL m’a permis de m’aventurer dans l’écriture d’un véritable drame classique en trois actes. » Trois actes conçus comme une trilogie que Pierre Joris décrit comme « un enfer, puis un purgatoire et enfin un paradis ». mehr lesen / lire plus

Transkrit 8 : encore de belles découvertes

1363kulturspalte_transkritL’excellent magazine luxembourgeois Transkrit (woxx 1327), consacré au dialogue poétique franco-allemand par la traduction et édité par la Kulturfabrik, vient de paraître pour la huitième fois. Fidèle à sa formule, on y découvre tout d’abord un Luxembourgeois méconnu : Pol Michels a été, en tant que traducteur des auteurs allemands d’avant-garde dans le Paris des années 1920, une figure importante de la diffusion du courant expressionniste. Mais il a aussi publié en Allemagne ou au Luxembourg. Le directeur littéraire de Transkrit, Jean Portante, a été « déterrer » – selon ses propres termes – cette figure de la littérature luxembourgeoise oubliée de nos jours. mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Un trouvère revendicatif


Moins connu des amateurs de poésie grand-ducaux, peut-être parce qu’il habite dans la lointaine Bruxelles, Tom Nisse est une voix originale et authentique dans le paysage littéraire national. Coup de projecteur sur une œuvre et un personnage dont le franc-parler fait du bien.

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Tom Nisse, 42 ans, pratique une poésie riche et performative, à découvrir 
ou retrouver bientôt à Dudelange et 
à la Kulturfabrik.

Une poésie qui revendique la liberté et critique les systèmes politiques, économiques, philosophiques, religieux, historiques et artistiques en place, « du côté de la créativité désentravée » : voilà comment Tom Nisse explique son écriture. Car, pour lui, « la vraie poésie est toujours révolte sémantique contre les discours dominants ». mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Quatre-vingts ans d’écriture


Cela a tout d’une consécration, si elle était encore nécessaire. La prestigieuse collection Poésie de l’éditeur Gallimard vient de publier une belle anthologie de l’œuvre d’Anise Koltz intitulée « Somnambule du jour ». Rencontre avec une grande dame de la poésie.

1356_kultur_koltz« Mon principe, c’est de dire un maximum de choses avec un minimum de mots. » Nous voilà prévenus : avec Anise Koltz, pas de flots de paroles, pas de digressions, mais une concentration de phrases qui n’a pas peur de s’arrêter et de laisser place au silence. N’a-t-elle d’ailleurs pas écrit : « J’empile paroles et jours / dans ma tête » ? mehr lesen / lire plus

Poetry and theater: Poet-in-residence

He’s a successful Luxembourgish writer who chose already decades ago to live his dream abroad and write in English. Meet Pierre Joris, artist-in-residence this season at the Théâtre national du Luxembourg.

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Pierre Joris, 69, here taking part in a performance designed by his wife Nicole Peyrafitte in Aix-en-Provence last June. (Picture: Serge Guitard)

When starting a conversation with Pierre Joris, any poetry enthusiast has to be humbled by the achievements of the Strasbourg-born Luxembourger now residing in New York: close to 50 books published, ranging from poetry and essays to translations and anthologies. Among these are three volumes of the critically acclaimed “Poems for the Millennium” series (co-authored with Jerome Rothenberg and Habib Tengour), gathering poems from hundreds of twentieth-century avant-garde writers from all over the world. mehr lesen / lire plus

Michaël Glück et Lysiane Schlechter : Poser la voix dans les mains

1335_kulturspalte_gluck_schlechterDécidément au four et au moulin, Lambert Schlechter ajoute une corde à son arc en faisant la tournée des libraires pour distribuer au Luxembourg le beau livre que sa sœur Lysiane et le poète français Michaël Glück viennent de publier ensemble. Tout est parti d’un coup de foudre : celui de Glück pour les œuvres de Lysiane Schlechter, qu’il a découvertes lors d’un séjour au Luxembourg. Après une exposition à Bordeaux, il décide de poser ses mots sur les sculptures et les toiles de l’artiste : « surgit d’un mamelon de terre / surgit du grand corps continental / surgit s’élève se dresse / comme un tétin qui / s’ouvre se fend se fendille / s’engendre citadelle », écrit-il par exemple en regard de l’œuvre représentée en couverture. mehr lesen / lire plus

Jean Portante et David Hébert : L’Aquila

1335_kulturspalte_portante_aquila_2« Où va l’âme d’une ville quand elle s’évapore ? » C’est au fond à cette question qu’essaye de répondre Jean Portante dans son premier livre post-« écriture baleine », une période qu’il a symboliquement close avec la réédition récente d’un ensemble quasi exhaustif de ses poèmes (woxx 1279). L’écrivain luxembourgeois n’a pourtant pas renoncé à ses thèmes de prédilection, puisqu’il évoque ici à nouveau, comme dans « Après le tremblement » (2013), le séisme de L’Aquila, survenu dans la nuit du 5 au 6 avril 2009. La famille de l’auteur, originaire de la région, joue un rôle important dans cet entrelacs littéraire que tissent souvenirs d’enfance et impressions de l’après-catastrophe, tout comme l’éternel écartèlement entre Nord et Sud. mehr lesen / lire plus

Poésie et migrations
 : Bienvenue, poète !


Les hasards de la vie l’ont mené au Luxembourg il y a neuf ans. Antoine Cassar, éternel expatrié, a donc tissé depuis le grand-duché un réseau poétique à base de lyrisme multilingue et d’investissement dans l’humanitaire. Rencontre avec un poète engagé.

Antoine Cassar, 38 ans, poète engagé : ici lors d’une lecture pour le collectif « Keen ass illegal ». (Photo : © Carole Reckinger)

« La langue est la matière première avec laquelle je travaille. » De son activité de traducteur dans les institutions européennes, Antoine Cassar ne dira pas plus. Car de cette matière première il forge aussi des poèmes qui transcendent les frontières, des poèmes à vocation clairement universelle. mehr lesen / lire plus

Poésie
 : Éloge de la contrainte

Après qu’une grande partie de sa bibliothèque d’Eschweiler est partie en flammes, Lambert Schlechter s’est installé à Wellenstein pour reprendre sa routine de collectionneur de livres. Retour sur 60 ans de lectures passionnées et d’écriture insatiable.

Lambert Schlechter, 73 ans, au travail sur sa nouvelle terrasse à Wellenstein. (Photo : woxx)

Lambert Schlechter, 73 ans, au travail sur sa nouvelle terrasse à Wellenstein. (Photo : woxx)

Difficile de savoir par où commencer un portrait de Lambert Schlechter. C’est que l’écrivain et philosophe luxembourgeois semble atteint d’une boulimie de lecture, d’écriture et de participation à des festivals de poésie qui peut donner le tournis à qui ose pénétrer son univers. « Dès 1955, vers l’âge de treize ans, j’ai pris le pli d’écrire, et ça n’a jamais cessé. mehr lesen / lire plus

Poésie : Traduire, transcrire, grandir


Depuis sa création en 2009, la revue littéraire « transkrit » diffuse depuis la Kulturfabrik d’Esch une conception toute luxembourgeoise de la poésie, entre langues et cultures, la saupoudrant de photographies. Coup d’œil sur le numéro 7 d’une publication atypique.

Jean Krier (1949-2013), poète luxembourgeois à l’honneur du numéro 7 de la revue « transkrit » (Photo : © Yves Noir / Robert Bosch Stiftung)

Sur le stand 606 du Marché de la poésie, qui s’est tenu pour la trente-troisième fois le mois dernier place Saint-Sulpice à Paris, une drôle de revue attendait les visiteurs. Sur ses fonts baptismaux poétiques, la problématique de la traduction. mehr lesen / lire plus

Ardentes ondines de l’Alzette

Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous cheminons à travers les caresses de l’eau qui dort
serpentons d’un gave lorrain en vallons pentus
berçons les hameçons de pêcheurs lyriques
longeons prés et clairières avant de rejoindre au couchant
les moulins fantômes de la capitale endormie
frôlant de nos membres immatériels et pourtant graciles
le héron cendré solitaire du pont des Bons-Malades

Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous sifflons dans les roseaux de la campagne endormie
claironnons à qui veut l’entendre notre ostensible mélopée
déclamons des vers libres et des strophes muettes
soupirons lorsque nous entrons en Sûre
dans un patois que nous seules pouvons entendre
balayant de nos essors factices et pourtant vertigineux
les reflets d’un pont rouge du sang des suicidés

Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous rêvons de la pureté virginale de notre lit
songeons sans ambages aux ballons perdus dans nos flots
échafaudons les projets d’écoulement les plus extraordinaires
dressons l’inventaire de notre court royaume
où jadis officiaient maints artisans désormais caducs
berçant de nos sucs chimériques et pourtant nourrissants
un jardin potager où trône Mélusine

Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous crachons les gouttelettes de la fureur
exhalons les parfums capiteux de l’abondance aqueuse
surgissons à l’improviste au détour d’un orage
recouvrons en un instant la prétention des hommes
aveuglés par notre feinte bonhomie
expulsant nos ires idylliques et pourtant ravageuses
puis à pas feutrés retirant le fruit de notre déchaînement

Nous, ardentes ondines de l’Alzette
nous craignons les miasmes qui nous sont donnés en présents
redoutons vos traîtresses accolades
détournons notre ruissellement du voisinage de votre espèce
fuyons crânement tant que nous le pouvons
avec l’agilité des créatures qui savent leur faiblesse
déployant nos ailes invisibles et pourtant puissantes
pour bannir ce destin qui nous menace inexorablement


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