Cruelle heure du conte, exposé implacable ou reconstitution habile ? Le théâtre documentaire de « Terres arides » se plonge dans un récent événement médiatique grand-ducal pour prendre le temps de l’analyse rétrospective. Un deuxième épisode du cycle « Les agitateurs » pleinement convaincant.
C’est l’histoire d’un jeune homme mal à l’aise dans la société qui, après une radicalisation, décide de partir combattre en Syrie. Une histoire que partagent des milliers de ses semblables, en Europe occidentale ou ailleurs. Mais une histoire emblématique pour le grand-duché, car S., détenteur d’un passeport portugais, a grandi à Meispelt. Un journaliste de RTL décide d’aller l’interroger dans le Rojava, au cœur de ces « Terres arides » de la guerre en Syrie. C’est ce périple que la pièce raconte, non sans, au préalable, rafraîchir la mémoire du public sur l’historique de la ladite guerre.
Conférenciers décontractés et didactiques plutôt qu’acteurs pour la circonstance, Luc Schiltz et Pitt Simon arpentent le plateau pour livrer un récit méticuleusement construit par Ian De Toffoli. Le dramaturge, lui, exacerbe la complexité des interactions dans une région du monde sempiternellement en conflit. La reconstitution minutieuse de l’interview sert de prétexte à une réflexion sur l’origine du mal : qu’est-ce qui, dans notre société d’abondance – et particulièrement au grand-duché, puisqu’on évoque ici au fond un djihadiste grand-ducal –, persiste de mal-être pour inciter un jeune homme à quitter le cocon local pour une zone de conflit ?
Une question que ne se pose pas vraiment le gouvernement, ni ses homologues européens d’ailleurs, préférant la politique de l’autruche… belligérante, soutenant les efforts de guerre de certaines factions locales, en abandonnant d’autres, tout en ne travaillant pas sur les racines de l’embrigadement islamiste. Dans le même temps, c’est un discours aux accents lénifiants qui est servi sur le sujet aux populations européennes par les responsables politiques. C’est cet état de fait que dénonce « Terres arides », sans artifices de mise en scène, sans texte délicatement ouvragé ou poétique, mais avec les faits, les simples faits mis bout à bout. Car ceux-ci parlent d’eux-mêmes et portent en eux déjà toute leur force de conviction. En cela, Schiltz, Simon et De Toffoli réussissent la prouesse de tirer de l’actualité, en léger différé, plus qu’un spectacle médiatique immédiat et vite remplacé (par une pandémie, par exemple). Un spectacle édifiant dans sa simplicité.