Peut-on faire un film drôle et juste sur les guerres multiples déclenchées par l’Amérique au Proche et au Moyen-Orient ? « War Dogs » démontre que oui, c’est tout à fait possible.
Avant que le film ne commence vraiment, une petite note apparaissant sur l’écran irrite : « Basé sur des événements réels ». Est-ce possible ? Un film de Todd Phillips, le réalisateur qui s’est surtout fait connaître par les comédies à succès « Hangover » ? Eh oui, car les personnages principaux Efraim Diveroli et David Packouz existent bel et bien, et ils ont été les dealers d’armes internationaux les plus jeunes et les plus culottés connus de l’histoire. Cela n’empêche qu’une bonne partie du scénario de « War Dogs » est fictive et romancée.
À 22 ans à peine, le jeune David Packouz se sent déjà bien vieux et surtout sans perspectives. Il a quitté la fac après un semestre, s’est essayé à divers jobs et puis est finalement devenu masseur privé pour une riche clientèle à Miami. Quand il se rend aux funérailles d’une connaissance, il y rencontre son vieil ami d’enfance Efraim Diveroli. Ce dernier, s’il n’a pas fait de carrière universitaire non plus, est devenu un homme d’affaires assez important. Après avoir passé quelques années en Californie auprès de son oncle pour apprendre le métier de marchand d’armes, il est revenu en Floride pour travailler désormais à son compte.
Petit à petit, David va être amené à collaborer avec son ami d’enfance – d’autant plus que sa compagne vient de lui annoncer qu’il va être papa. Mais le métier de marchand d’armes à l’international n’est pas sans risques – surtout quand on est une petite boîte tenue par deux jeunes d’à peine 20 ans. Pourtant, le succès leur donne raison dans un premier temps. Ce n’est que lorsqu’ils décrochent le fameux « Afghanistan Deal » avec l’armée américaine qu’ils se rendent compte que ces affaires les dépassent.
Certes, « War Dogs » est en premier lieu un film drôle dans le style de tous les autres de Todd Phillips. Les deux protagonistes sont en permanence entre deux joints ou entre deux rails de coke, et constamment guidés par l’appât du gain. Mais la défonce semble jouer ici un autre rôle que purement récréatif : elle sert aussi à oublier d’où viennent les montagnes d’argent que le duo gagne avec sa firme. Surtout pour David, qui doit expliquer à un moment à son amie qu’il est devenu un marchand d’armes : alors que les deux appartiennent plutôt à des cercles de gauche et avaient manifesté contre la guerre en Irak, le passage de l’autre côté du miroir est dur.
Et puis, sous la comédie, « War Dogs » illustre à merveille les années folles du début du 21e siècle. Cette Amérique de Bush et Cheney où d’énormes sommes ont été dépensées pour soutenir l’effort de guerre et dont profitaient surtout des sociétés de l’entourage du vice-président. Pour pallier l’impression d’État mafieux, l’administration Bush a été contrainte d’ouvrir au public toutes les souscriptions au profit de la défense. Et c’est la brèche dont profitent les deux amis. Ils se nourrissent des miettes du gâteau que laissent les grandes boîtes comme Halliburton. Mais comme l’appétit vient en mangeant, ils vont bientôt devenir un peu trop gloutons.
Certes, le film ne montre pas les misères de la guerre et les conséquences désastreuses pour la population civile des interventions américaines avec leurs alliés changeants. Ce n’est pourtant pas pour cela qu’il faudrait le taxer de manque d’empathie : il adopte seulement la perspective de deux jeunes profiteurs qui s’engouffrent dans l’immense machine de guerre. Et avec son format grand public, il pourrait même s’avérer plus efficace d’un point de vue pédagogique que d’autres films de guerre plus sérieux.
Mentionnons encore la très bonne prestation de Jonah Hill qui excelle dans son interprétation du diabolique, menteur et finalement très solitaire Efraim Diversoli – et vous avez tous les bons arguments pour aller voir ce film.
Aux Utopolis Belval et Kirchberg. Tous les horaires sur le site.
L’évaluation du woxx : XX