Images de femmes : Sorry !

Publicitaires, médias, entreprises : nombreux sont ceux qui ont recours à des stéréotypes sexistes pour vendre. La plateforme « Journée internationale de la femme » s’y attaque – épaulée par un collectif d’artistes.

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Démonter les stéréotypes de genre, voilà ce que fait la performance « Juxtapose », montrée à Neimënster dans le cadre de la Journée internationale des femmes. (Photo : neimënster)

« Nous, les femmes, nous avons tendance à improviser quand nous ne trouvons pas de place de parking », explique une voix off, pendant qu’une femme gare sa voiture au bon milieu d’un rond-point. Avant de quitter sa voiture, la protagoniste sort un rouge à lèvre de son sac à main et note son numéro téléphone accompagné d’un « sorry ! » sur… une serviette hygiénique. « Renault vous offre l’option ‘désolée de m’être garée là’ – des petites cartes qui vous font passer pour une fille sympa même quand vous êtes mal garée. » Un gros plan montre une carte qui porte l’inscription « Ne m’enlevez pas ma voiture, svp ! J’ai des hauts talons… ».

Le clip d’une trentaine de secondes, mis en ligne en 2014 par la branche belgo-luxembourgeoise de Renault, suscite aussitôt l’intérêt sur les réseaux sociaux. Nombreuses sont les critiques de la part des internautes. Quelques heures après sa publication, la vidéo disparaît aussi rapidement qu’elle était apparue.

Faux pas ponctuel ? Mauvais goût ? Loin de là : l’utilisation de stéréotypes et de clichés sexistes dans la publicité est courante et présente dans quasiment toutes les branches. Si la représentation de la femme a changé au cours des dernières décennies, ce n’est pas pour autant qu’elle est moins stéréotypée. Du cliché de la « femme ménagère » des années 1960, on est passé à ce qu’on appelle le « porno chic » – des représentations hypersexualisées de « femmes objets ».

La publicité sexiste est interdite

C’est à ces reproductions sexistes et stéréotypées de la femme – et parfois de l’homme – que s’attaque la plateforme d’action « Journée internationale de la femme 2016 », regroupant une trentaine d’organisations. « Images de femmes », voilà le mot d’ordre des événements prévus autour du 8 mars.

« La publicité sexiste est interdite ! », martèle Anik Raskin du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). « On peut faire de la bonne publicité sans avoir recours au sexisme. » D’ailleurs, la plateforme informe sur la possibilité de déposer plainte contre l’utilisation de clichés sexistes dans des publicités, mais aussi dans les médias en général.

Or, si la possibilité existe, elle n’est que peu utilisée. « Très peu de plaintes sont déposées », dit Raskin. Pourtant, la dernière que le CID-Fraen an Gender a déposée contre la publicité sexiste d’un groupe brassicole luxembourgeois a porté ses fruits. À partir du dépôt de la plainte, il n’aura fallu qu’une semaine pour que l’annonceur retire sa campagne.

À côté de la voie officielle, il existe d’autres moyens pour faire reculer l’utilisation de stéréotypes basés sur le genre. C’est ce que tente de démontrer le collectif de jeunes artistes Richtung22. Le groupe a lancé il y a peu une campagne contre le sexisme « ordinaire ». Après une première action, intitulée « Sexisme : parlons-en », lors de laquelle des témoignages de femmes victimes du sexisme de tous les jours étaient recueillis en ligne, Richtung22 s’attaque à un adversaire de taille : RTL.

« Bring this Pin-Up Site Down » est l’intitulé de cette partie de la campagne. Un titre qui fait référence à la rubrique « Pin-Up » du site internet de RTL. « D’Lucille huet et gär aussergewéinlech », peut-on lire en première page sur le site, accompagné de l’image d’une jeune femme à moitié nue et au regard lascif. En cliquant dessus, on peut découvrir une galerie de photos « érotiques », accompagnée du nom, de l’âge et, bien sûr, des mensurations de la femme représentée.

Une tradition qui apporte des clics

Des femmes « blanches, européennes, avec des mensurations de mannequin » à tous les coups, commente Lucie Wahl de Richtung22. Pour elle, ce sont des représentations telles que celles utilisées par RTL pour attirer des clics qui rendent le sexisme acceptable en société. Des accusations qu’on ne comprendrait pas forcément du côté de RTL. « Nous leur avons écrit une lettre ouverte, mais ils disent ne pas comprendre en quoi leur rubrique serait sexiste. Pour eux, il s’agit d’une ‘tradition’ qui apporte des clics », dit Wahl.

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La campagne de Richtung22 s’attaque à un adversaire de taille : RTL. (Image: Richtung22)

Or, malgré la lettre ouverte et une pétition en ligne rassemblant plus de 400 signataires, l’écho médiatique est quasiment inexistant. Mis à part quelques exceptions ponctuelles, la grande majorité des médias luxembourgeois ont, jusque-là, préféré ignorer la campagne signée Richtung22. Pour Lucie Wahl, cela s’explique par une sorte de « solidarité entre journalistes », dans un pays où tous se connaissent.

Les organisatrices de la Journée internationale de la femme, de leur côté, disent soutenir à cent pour cent la campagne de Richtung22, et se réjouir du fait que le sexisme soit un sujet en dehors des structures féministes traditionnelles. « Il est très important que le grand public participe pour exercer de la pression », dit Anik Raskin. L’exemple de la publicité de Renault le montre : quand la pression est telle qu’elle l’emporte sur les considérations d’ordre économique, le bras de fer peut être gagné. Avec, à la clé, peut-être un « sorry ! » de la part de l’annonceur.

Dans le cadre de la Journée internationale de la femme, une fête « féministe et culturelle » aura lieu à Neimënster le 6 mars (programme détaillé : pages 5 et 6 de notre agenda). Le 8 mars, une manifestation « pour une image diversifiée, pluraliste et réaliste des femmes » aura lieu. Plus d’informations : www.fraendag.lu

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