BRAD BIRD: Il faut sauver l’Amérique

Ils ont retrouvé Nemo, mais avec leur dernière production „The Incredibles“, l’équipe de Pixar a décidément perdu la boule.

D’accord, c’est un hommage aux grands classiques de la bande dessinée. Et dans ces classiques, il y a forcément un super-héros qui sauve le monde, pardon, l’Amérique. „The Incredibles“ a l’ambition de jouer avec les clichés (le gouvernement a forcé les super-héros de se retirer et de mener une vie tout à fait ordinaire), mais ne fait en définitive que remettre sur table le traumatisme du 11 septembre.

L’histoire est celle – éternelle – du combat entre le Bien et le Mal. Mister Incredible, le sosie d’Arnold Schwarzenegger, était jadis un des plus grands super-héros du monde, pardon, de l’Amérique, jusqu’à ce qu’il rattrape en pleine chute un homme suicidaire, qui n’avait pourtant aucune envie d’être sauvé. Depuis, Mister Incredible, de même que tous les autres héros, a dû se recycler en tant qu’agent dans une compagnie d’assurances où bien sûr il joue les Robin des Bois en essayant d’aider les moins privilégié-e-s au grand dam de son patron. Mister Incredible et sa famille, également pourvue de super-pouvoirs, souffrent de ne plus pouvoir mettre leur différence au profit de la communauté.

C’est là qu’intervient le Mal et donne au Bien la possibilité de se profiler. Car Syndrome, un petit frustré mégalomane, très gros et très roux, veut se venger des souffrances endurées dans son enfance en échafaudant un plan machiavélique: il décide de lancer des avions sur une grande ville et de la faire ravager par un robot monstrueux. Heureusement le président du pays en question n’aura cette fois pas besoin de bombarder des régions inconnues un peu partout dans le monde, puisque Mister Incredible et sa smala sont prêts à aller botter ses mitrailleuses au méchant robot.

Quelle déception pour le ou la spectateur/trice qui s’attendait à un petit chef-d’oeuvre comme „Finding Nemo“ ou „Monsters, Inc.“. D’abord, „The Incredibles“ n’est pas drôle du tout. L’humour décapant qui faisait tout le charme des productions Pixar s’est envolé au profit de leçons morales douteuses. On croirait presque que Michael Bay (Pearl Harbor) serait aux commandes de ce film d’action „pixellisé“ qui multiplie les effets spéciaux, les courses poursuites et les scènes de combat et ne génère pourtant aucun suspense. C’est comme du James Bond avec moins de Martinis et les bons sentiments en plus, ce qui veut dire qu’en fin de compte, cela ne présente aucun intérêt.

Pourtant le réalisateur Brad Bird avait signé l’excellent „The Iron Giant“ en 1999, mais „The Incredibles“ est à tel point dépourvu de tout second-degré qu’il fait penser à une de ces séries américaines mièvres comme „7 à la
maison“. Etrangement, pendant que le film clame haut et fort les valeurs familiales, il contient également des séquences très violentes, qui font même sursauter un public adulte de par la légèreté avec laquelle elles sont présentées. Des bébés partent en feu, des super-héros se font déchiqueter en plein vol et tout cela dans une esthétique stérile et ultra-réaliste. Pourtant tout est bien qui finit bien: A la fin même Violet, la petite fille légèrement neurasthénique de la famille, finit par se mettre un bandeau rose dans les cheveux pour sortir avec le garçon de ses rêves.

On voudrait vraiment fouiller pour trouver une raison de défendre „The Incredibles“, surtout que la plupart des critiques adorent le film. Mais fait est que, compte tenu des attentes après „Finding Nemo“, la dernière production de Pixar est une gigantesque déception. Le message idéologique véhiculé y est certainement pour quelque chose. Même si l’on ne cède pas à l’anti-américanisme à outrance, „The Incredibles“ doit paraître agaçant: lorsque les „Incredibles“ sont menacés par le fou furieux et son armée volante, la mère de famille explique à ses enfants que, si c’est vraiment nécessaire, il faut se souvenir de ses forces et ne pas avoir peur de s’en servir pour se défendre. En regardant „The Incredibles“, George W. a certainement dû se dire: „Des super-héros pour sauver l’Amérique – Comment ça se fait que nous n’y avons pas pensé plus tôt.“

A l’Utopolis (Luxembourg),
à l’Ariston (Esch-sur-Alzette)
et au Kursaal (Rumelange).


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