Grandeur, acteur, longueur – les ingrédients du film sur la vie de Howard Hughes suffisent pour nous entretenir, pas pour nous émerveiller.
Tout commence avec l’histoire d’un multimillionnaire heureux. Howard Hughes, héritier à 19 ans, décide de quitter Houston, Texas, où le pétrole a fait la fortune de ses parents. Plutôt que de faire fructifier son argent, il choisit de le dépenser sans compter pour réaliser les films dont il rêve. La biographie filmée „The Aviator“ nous emmène tout de suite sur les lieux de tournage d’un projet particulièrement démesuré: „Hell’s Angels“, film sur les combats aériens de la première guerre mondiale. Avions reconstitués, pilotes vétérans de guerre, tournage et retournage des mêmes séquences sans souci du coût – le perfectionnisme de l’autodidacte Hughes le conduit au bord de la faillite. Mais s’avère payant. A sa sortie en 1930, „Hell’s Angels“ est un grand succès, tout comme „Scarface“ et „The Outlaw“ qui lui succèdent.
Le travail du réalisateur Martin Scorsese peut être perçu comme un hommage à son illustre prédécesseur. Il nous en met plein les yeux, avec des ballets d’avions dont certains arrivent droit sur la caméra, la traversent et qu’elle suit du regard. Images spectaculaires également lors du grand accident, lors duquel les ailes de l’XF-11 découpent les murs intérieurs des villas de Beverly Hills comme si c’était du carton. Enfin, de nombreux gros plans sur les personnages, le beau Leonardo di Caprio en Howard Hughes d’une part, quelques belles actrices parmi ses conquêtes féminines de l’autre.
Conquêtes toutes relatives, car le film montre un Howard plus séduisant que séducteur. Les personnages féminins le traitent de manière autoritaire et maternelle à la fois. Relevons la performance de Cate Blanchett en Katharine Hepburn, déconcertante mais attachante.
Attachant, captivant aussi, le jeu des actrices et acteurs l’est sans doute – à défaut d’être émouvant. Plutôt qu’un portrait psychologique le film est une biographie romancée qui garde le public à distance par rapport aux personnages. Quelques souvenirs d’enfance de Howard, un peu de psychologie à quatre sous, cela ne suffit pas pour cerner le trouble obsessionnel-compulsif du personnage principal. Il s’agit là d’un des sujets les plus intéressants abordés par le film: l’oscillation entre perfectionnisme et actes compulsifs, entre le génie et l’idée fixe. Scorsese montre le contraste entre la détermination et la grâce naturelle dont Howard est capable et les doutes qui le paralysent – mais il ne nous le fait pas comprendre.
Autre faiblesse du film, la fin – après le grand accident – manque de densité. Leonardo Di Caprio est beaucoup moins convaincant en orateur qu’en aviateur. Fallait-il montrer la victoire politique, l’envol de l’hydravion géant Hercules, alors qu’il ne s’agit que des derniers sursauts avant de succomber irrésistiblement à la folie? Pendant les 20 dernières années de sa vie, Howard Hughes ne sera plus qu’un nom et une fortune. En donnant à „The Aviator“ une fin ambiguë, alors que la véritable suite est connue, Martin Scorsese sert la renommée de son personnage mais pas le public.