„Lemming“, c’est un peu comme une femme que l’on désire. L’envie monte, monte et puis en définitive, le finale n’atteint pas les hauteurs de notre espérance.
Présenté en ouverture et en compétition lors du dernier
Festival de Cannes, „Lemming“ est le second long métrage de Dominik Moll. „Harry, un ami qui vous veut du bien“ avait, en 2000, surpris toute la Croisette grâce à la maîtrise de la mise en scène et surtout du scénario. Avec son dernier opus, Dominik Moll n’a donc pas eu la tâche facile: il se
devait de faire aussi fort qu'“Harry“.
Alain Getty, jeune et brillant ingénieur en domotique, et sa femme Bénédicte récemment installés dans une nouvelle ville, reçoivent à dîner le patron d’Alain, Richard Pollock, et son épouse Alice. Cette rencontre mettra en péril l’harmonie qui régnait au sein du jeune couple. Et la découverte du cadavre d’un mystérieux rongeur dans l’évacuation bouchée de leur évier n’arrange pas les choses, introduisant le désordre dans de ce qui était jusqu’alors une vie bien rangée.
Brisons le suspense d’entrée de jeu: „Lemming“ est moins attachant et moins puissant que „Harry, un ami qui vous veut du bien“. Néanmoins, accordons tout de même à Dominik Moll un savoir-faire surprenant pour recréer des situations malsaines comme cette scène, quasi d’ouverture, qui est celle du repas. Autour de cette table, il n’y a pas seulement quatre talents incontestables du cinéma français, mais toute une équipe qui, sans le savoir, fait entrer ce repas dans l’histoire du cinéma français.
Bien entendu, il est toujours difficile de parler d’un thriller sans vendre la mèche, surtout lorsque celui-ci repose en grande partie sur le comportement des protagonistes. Avec une telle „gueule“, Laurent Lucas n’inspire guère confiance et cela dès le début. Avec son côté fille fragile et introvertie, Charlotte Gainsbourg fait mine d’écarter l’inévitable showdown, ce qui – en définitive – enfonce le clou. Quant à Charlotte Rampling, tout le mystère du film devrait en principe tourner autour d’elle, mais elle fausse la piste. Mieux vaudrait peut-être aussi se méfier du côté „bon gars sympathique“ d’André Dussollier.
Un lemming, c’est un petit rongeur que l’on trouve dans les pays scandinaves. Quel rapport avec le film, me direz-vous. Il est à la fois simple et assez complexe. Au départ, Alain trouve dans le tuyau d’évacuation de l’évier un lemming coincé. C’est à partir de cette découverte que le couple, à la vie si rangée, va commencer à perdre pied et à battre de l’aile. En définitive, le lemming symbolise le grain de sable qui fait déraper la machine. Un signe avant-coureur de l’étrange. Mais le mystère n’est pas là où on l’attend.
Le public commence à perdre pied lorsque Alain semble vivre à la fois dans la réalité et l’imaginaire. Pourquoi faire simple, si l’on peut faire compliqué? A force de tirer sur la corde, elle finit par casser – voilà ce qui arrive également au film de Dominik Moll. Durant près de deux heures, le réalisateur nous plonge dans un univers aux tensions puissantes, mais au moment où l’on attend le dénouement final, l’apothéose d’une ´uvre réussie et aboutie, il se prend les pieds dans le tapis. Et nous offre une fin qui n’en est pas une.
Pour finir, on quitte la salle avec l’impression d’avoir eu à faire à une aguicheuse qui, dès qu’elle a senti que l’homme mordait à l’hameçon, aurait tourné les talons.