Pari risqué et gagné pour Pascale Sevran et son interprétation du grand classique „Lady Chatterley“.
Le film laisse le temps au personnages d’évoluer, sans tomber dans un sentimentalisme désuét.
Le Prix Louis Delluc est au cinéma ce que le Goncourt est à la littérature. Inutile donc de préciser que le film détenteur de ce prix se voit ouvrir grandes les portes des salles obscures et de celles appartenant à la curiosité des spectateurs généralement avides de découverte.
Le jury 2006 a décerné son prix à „Lady Chatterley“ de Pascale Ferran qui était restée muette depuis dix ans, après avoir décroché la Caméra d’Or à Cannes en 1993 pour „Petits arrangements avec les morts“ et primée à Venise en 1995 pour „L’âge des possibles“. Pascale Ferran revient donc en force avec son troisième long métrage.
Le roman de D.H. Lawrence a connu de multiples adaptations cinématographiques. La plus célèbre étant la version érotique signée Just Jaeckin avec Sylvia Kristel dans le rôle de la châtelaine. Mais rassurez-vous, la version de Pascale Ferran est bien différente à tout point de vue. En effet, la réalisatrice a réussi à imposer son style et ses conditions, comme la durée du film (2h38) le prouve. Elle avait besoin de tout ce temps pour dépeindre ses personnages et de les faire vivre au rythme de la nature et des saisons. Pas d’accouplement sauvage ou bestial, rien que de la sensualité qui évolue vers un amour irrémédiable. Le temps utilisé par Pascale Ferran est aussi la démonstration que les amants, lorsqu’ils sont ensembles, sont hors du temps. D’ailleurs, Lady Chatterley s’en excuse par deux fois envers son mari : „Désolé“, dit-elle, „je n’ai pas vu le temps passer“. La réalisatrice se révèle être également une excellente psychologue, passant au peigne fin les sentiments et le for intérieur de ses personnages. Elle oppose à la fois la domination de l’homme sur la femme du point de vue physique et sentimental et la domination de la femme sur l’homme par le biais de sa classe sociale. Nous, les spectateurs, observons leur jeu de séduction avec un mâle pataud au départ qui ne prend pas la peine de penser au plaisir de sa partenaire qui, à son tour, se pare d’une certaine innocence pour déstabiliser son amant et ainsi évaluer au mieux ses sentiments pour elle. C’est donc à une sorte de jeu du chat et de la souris auquel nous assistons avec comme arbitre Hippolyte Girardot dans le rôle de Sir Clifford, le mari de Lady Chatterley et seule „star“ de la distribution. Ex-officier de l’armée, Sir Clifford se voit cloué dans un fauteuil roulant suite à une blessure survenue sur le champ de bataille lors de la première guerre mondiale. Personnage meurtri aussi bien physiquement que moralement, à aucun moment le personnage interprété par Hippolyte Girardot ne plongera dans le cliché de la pitié ou de la compassion. Personnage charnière entre la lady et le garde chasse il apportera un certain équilibre à cette histoire qui avait marqué les âmes sensibles et prudes des années 20.
Aujourd’hui, ce genre d’affaires ne choque plus personne et tombe sous le couvert d’une histoire d’amour presque classique. Néanmoins, „Lady Chatterley“ de Pascale Ferran nous laissera un certain regret qui est le manque de sensibilité lors des scènes intimes aussi bien au niveau de la mise en scène que dans la manière de les filmer.
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Lady Chatterley, à l’Utopia
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