PROTECTION DES DONNÉES: Collectionnite aiguë

Interpeller une personne, prendre ses empreintes digitales et sa photo. Utiliser ce profil, plus l’accès aux banques de données administratives, pour mieux contrôler les « méchants ». Ce rêve de petit flic mégalo risque de devenir réalité.

Collectionner les photos de suspects comme d’autres les timbres…

Jusqu’où encore les promoteurs d’un Etat policier abuseront-ils de notre indifférence ? Les lois et les règlements grand-ducaux se succèdent, contribuant à établir une surveillance toujours plus complète de l’ensemble des citoyen-ne-s. Une nouvelle étape est en train d’être franchie avec le projet de loi 5563, qui vient d’être avisé par le Conseil d’Etat et sera maintenant examiné par les député-e-s. Ce texte vise d’une part à faciliter l’accès de la police à diverses banques de données, de l’autre à autoriser la prise et le stockage à tout va de photos et d’empreintes digitales.

Actuellement, la police a accès à plusieurs banques de données administratives, celle des véhicules et celle des armes prohibées, par exemple. Le nouveau texte prévoit un accès direct à d’autres fichiers, notamment celui de la sécurité sociale. Le risque est que ces fichiers ne seront pas seulement consultés lorsque cela devient nécessaire dans le cadre d’une enquête, mais que leur consultation deviendra une procédure normale du travail de police quotidien.

Quant à la prise de photos et d’empreintes digitales, elle se fait aujourd’hui uniquement pour identifier des suspects. Si le projet de loi passe, toute personne interpellée risque d’y être soumise « dans l’intérêt de la manifestation de la vérité ». De plus, ces données pourront être utilisées « à des fins de prévention, de recherche et de constatation des infractions pénales ». Au cas où aucune enquête n’est ouverte contre la personne, ces données doivent en principe être détruites après six mois.

Le problème, là encore, ne se situe pas au niveau des moyens, mais des fins : prendre des empreintes digitales afin de les comparer à celles trouvées sur un lieu de crime est évidemment nécessaire. Mais utiliser à des fins de « prévention » des empreintes et des photos collectées en masse constitue une ingérence inacceptable dans la vie des citoyen-ne-s.

Dans son avis, le Conseil d’Etat met le doigt sur ce point : le projet de loi ferait l’amalgame entre les missions de police judiciaire et celles de police administrative. Il demande par ailleurs, sous peine d’opposition formelle, que les fiches de données soient accédées non de manière directe, mais seulement sur demande au cas par cas.

Pourquoi le Conseil d’Etat ne va-t-il pas jusqu’à opposer à l’ensemble du texte le principe de nécessité ? Le ministère de la justice semble se baser sur le principe d’opportunité : collecter et utiliser les données personnelles partout où cela pourrait être utile. La protection de ces données par contre voudrait que chaque usage soit dûment justifié.

Même si le ministère cède aux exigences du Conseil d’Etat, son insatiabilité en matière de collecte de données ne fait pas de doute. Sous couvert de nous protéger du terrorisme et de la grande criminalité, il continuera, comme ses équivalents dans les autres pays, à vider de leur substance les libertés individuelles. Jusqu’où ?


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