Non, le site de la rue d’Alsace pour la « Fixerstuff » n’est pas un « bon compromis ». Plutôt un compromis à la luxembourgeoise : hypocrite et lâche.
Les petits-bourgeois enragés sont contents. Car voilà : il est claire que le quartier de Bonnevoie n’accueillera probablement pas le Centre pour toxicomanes, communément appelé « Fixerstuff ». Cela aura donc servi à quelque chose que de faire dans le catastrophisme, de répandre de fausses informations et de jouer sur les peurs des citoyens.
Ainsi, c’est dans la rue d’Alsace que la Fixerstuff sera installée, sur un terrain appartenant en partie aux CFL. Parfait, puisque personne n’y vit. A part ceux qui y travaillent : le jour, les salarié-e-s de Paul Wurth, la nuit, les prostituées. Luxembourg-ville a trouvé son ghetto où parquer les produits humains ostensibles d’un système générateur d’exclusion sociale. A nouveau, la place financière a évité de justesse que ne soit égratigné son vernis. Les touristes japonais pourront continuer à photographier les symboles et palais de notre monarchie d’opérette.
Pourtant, le Luxembourg, ce n’est pas que « l’Alzette qui traverse les prés » ou des paysages de cartes postales, mais aussi une société où il ne fait pas bon vivre pour un nombre croissant de personnes. Cela se remarque particulièrement dans les quartiers de la gare et de Bonnevoie. La consommation « dure » de certaines drogues est souvent le résultat, surtout auprès des plus jeunes, d’une exclusion fréquemment accompagnée d’une isolation sociale. Et ce phénomène ne touche pas uniquement les jeunes de milieux défavorisés.
Le fait de plier devant 4.000 signatures est un signal de rejet supplémentaire qu’on leur envoie. Aurait-on voulu leur faire comprendre qu’ils sont indésirables, que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Pourquoi ne pas être plus direct ? « Vous êtes moches, sales et malades ! Allez crever ailleurs, si possible à côté des putes ! » Car elles aussi, personne ne veut les voir. Pas au-delà de la demi-heure tarifée en tout cas. Au fait : ne serait-il pas meilleur, justement, de construire un centre pour toxicomanes au sein même d’un quartier vivant et pourvu d’une vie sociale ? Réduire la toxicomanie à son volet thérapeutique est une erreur, car il s’agit aussi d’une question sociale.
Les Luxembourgeois-e-s doivent s’y faire : face à des gouvernements d’orientation économique libérale à une politique de logement lamentable – un des principaux facteurs de pauvreté – le tissu social de leur pays se dégrade, la pauvreté augmente, le nombre d’exclus va croître. S’y ajoute une politique en matière de stupéfiants répressive et peu intelligente qui n’est pas d’une grande aide. L’issue de la polémique « Fixerstuff » est à la fois attristante et révélatrice du type de société dans lequel nous vivons. Une société qui accepte de produire des exclus, mais qui refuse de les voir. Il n’y a pas de quoi être fiers : une fois de plus, cette société a fait comprendre aux toxicomanes qu’ils ne sont que son rebut. Une raison de plus pour continuer à se shooter.