Mettre en place un système de location de vélos est une bonne chose. Mais le deal avec Decaux constitue un pas de plus vers la privatisation des services publics.
L’Autofestival est terminé, et les affiches célébrant des engins puissants, et accessoirement des « éco »-véhicules, ont été remplacées par des pubs pour… des vélos. En effet, à partir du 21 mars prochain, un système de location de bicyclettes sera opérationnel dans la ville de Luxembourg, comme cela est déjà le cas à Paris et à Lyon. L’espoir de l’équipe échevinale bleue-verte est d’obtenir un effet d’entraînement : l’offre de deux-roues à prix modique, en plus de l’extension du réseau de bandes cyclables, doit donner une visibilité à la circulation vélomobile en ville et encourager d’autres citadins à enfourcher à leur tour une bicyclette.
L’on ne peut que souhaiter du succès à cette initiative, qui fait partie des tentatives de substituer une « mobilité douce » à la circulation automobile bruyante et polluante. Et pourtant notre enthousiasme en ce qui concerne les fins de l’opération est tempéré par notre réprobation des moyens mis en oeuvre. Car la société « JC Decaux », qui installe et entretient ce système de location, a obtenu en contrepartie non de l’argent, mais le droit de polluer l’espace public visuel à travers une cinquantaine de panneaux d’affichage publicitaire.
Souhaiter à Luxembourg d’emboîter ainsi la roue à d’autres villes et de devenir un paradis cycliste est d’autant plus délicat qu’en cas de succès, cela confortera les chantres du libéralisme et de la privatisation. En effet, ce sera un acteur commercial qui aura réussi là où les entreprises publiques et l’économie sociale ont apparemment échoué.
Quelles leçons en tirera-t-on ? En matière de mobilité par exemple, le système de bus souffre d’une qualité de service médiocre et d’une politique d’information catastrophique. Ne devrait-on pas demander à Decaux de proposer un système de bus performant, quitte à voir les véhicules et les voies réservées aux bus recouverts de pub ? Le problème des crèches, où le secteur public peine à offrir suffisamment de places, pourrait se résoudre de manière semblable. Même les toxicomanes pourraient profiter des bienfaits du tout-marché, grâce à un programme intégré Decaux, avec comme support publicitaire les aiguilles jetables et les t-shirts des travailleurs sociaux.
Certes, on pourrait aussi demander aux politiciens de faire leur travail et de mettre en place des services publics performants, sans avoir recours au privé. La solution serait-elle de remplacer les personnes en place ? Hélas, les Helminger et
Bausch, quand on les compare aux politiciens de l’opposition, apparaissent comme dynamiques et passablement compétents. Si même eux se montrent incapables d’en faire plus, faut-il donc désespérer ?
Non, car il reste la possibilité de privatiser la mairie et de confier sa direction à l’homme providentiel qu’est Jean-Claude Decaux. La ville a des milliers de mètres carrés de surfaces publicitaires que l’on pourrait faire fructifier. Alors, Monsieur Decaux, on attend votre offre !
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