SCOTT DERRICKSON: La terre brûle-t-elle ?

Le remake du « Day » est plus spectaculaire, plus sanglant et plus sentimental que l’original. La menace pour l’humanité a été mise au goût du jour – écologique – mais le résultat ne convaint qu’à moitié.

ien à faire : Klaatu, sorte d’Al Gore extraterrestre, n’est pas convaincu des efforts des humains d’arrêter leur autodestruction.

Décidément, les cinéphiles n’aiment pas les remakes. « The Day the Earth Stood Still », originellement tourné en 1951, ne fait pas exception et multiplie les mauvaises critiques. Pourtant, dès les premières scènes, le film convaint en montrant l’atmosphère de panique, l’arsenal de moyens déployés par l’hyperpuissance américaine, l’agressivité avec laquelle celle-ci procède. Pour faire face à ce qui constitue une menace pour l’humanité, là encore manifeste grâce aux effets techniques : une invasion extraterrestre matérialisée par une gigantesque sphère lumineuse qui a atterri au Central Park et dont est sorti un robot géant et invulnérable.

Il y a de quoi être inquiet. Dès ses premiers pas hors de la sphère, l’ambassadeur extraterrestre de nom Klaatu (Keanu Reeves) est abattu par une unité américaine. Il est d’abord soigné et doit ensuite subir un interrogatoire. Il s’évade en usant de ses pouvoirs spéciaux – scène impressionnante où les sbires gardant les souterrains de la CIA se contorsionnent par terre parce que Klaatu submerge leurs headsets de sonorités aiguës. Tout cela ne fait que confirmer leur jugement sur le caractère destructeur de l’espèce humaine. C’est ce que Klaatu confie à l’astrobiologiste Helen Benson (Jennifer Connelly) qui vient à son aide.

Ce glissement vers le drame sentimental est sans doute la principale faiblesse du remake. Comme le note sur un ton assassin le pape des cinéphiles américains Roger Ebert : « Comme il est habituel dans ce genre de film, le sort de la planète se réduit à celui d’une femme, d’un enfant et de Klaatu. » Même si le jeu de Connelly est convaincant, la psychologie du rôle de Helen n’est pas forcément au service d’une histoire par essence politique. Quant à l’interprétation peu émotionelle de Klaatu par Reeves, elle peut apparaître terne. On peut aussi y voir une incarnation réussie d’un être surhumain dans un corps humain. Hélas, l’impassibilité de Klaatu n’apporte rien à la crédibilité des dialogues sur la nécessité de mettre fin à la passion destructrice de l’humanité. Et quand Helen lui assure que « Nous pouvons changer », elle a l’air de s’adresser à un policier qui vient de lui coller un PV plutôt qu’à un plénipotentiaire extraterrestre.

Le monde sera-t-il sauvé ? En tout cas, la vanité de l’arsenal militaire américain et la puissance destructrice des extraterrestres sont montrées de manière convaincante, avec des bruitages fort réalistes. Les puristes continueront à préférer le minimalisme de la version de 51 et le soundtrack – remarquable, il est vrai – de Bernard Herrmann. À côté des effets techniques, la grande réussite du film est sans doute la prestation de Kathy Bates dans le rôle de représentante de gouvernement américain. Son jeu de diplomate déterminée et arrogante, sans doute inspiré par des modèles réels, apporte un grand plus à l’intrigue.

Cela dit, le statut de « classique » ne s’acquiert pas seulement grâce aux qualités intrinsèques d’un film, mais aussi par le contexte dans lequel il est tourné. En 1951, « The Day the Earth Stood Still » a joué un rôle de pionnier pour les films de science-fiction mis en scène avec les moyens des grandes productions hollywoodiennes. Et, alors que le maccarthysme débutant rendait tout pacifiste suspect d’être au service de la « conjuration communiste », ce film osait dénoncer la menace des armes nucléaires.

En 2008, le risque d’autodestruction est plutôt de nature écologique. Or, dans le remake du « Day », le message politique est brouillé par l’importance accordée aux sentiments et opinions des personnages principaux. En cela, il rappelle le discours de nombreux politiciens sur le comportement individuel comme clé du changement écologique. Cette régression en 57 ans en dit sans doute long sur les chances de l’humanité d’empêcher son autodestruction.

« The Day The Earth Stood Still », à l’Utopolis.


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