Est-il exact qu’un référendum sur la modification constitutionnelle ne servirait à rien ? Au contraire, il est facile de trouver de bonnes raisons pour les diverses attitudes possibles
Désormais tout est clair. Lucien Weiler, au nom de l’ensemble des partis établis, a indiqué aux « bons » citoyens la ligne à suivre : ne pas signer en faveur de la tenue du référendum sur la modification constitutionnelle. Tant d’unanimité rappelle un mauvais souvenir, celui du référendum de 2005 sur la constitution européenne, quand l’establishment politique expliquait qu’il n’y avait pas d’alternative au oui. Cette fois-ci encore, aux dires de Weiler, il n’y aurait « aucun argument » en faveur d’un référendum. Or, des arguments, il y en a pour toute une variété d’attitudes envers le changement constitutionnel et le référendum. Pourquoi ne pas l’admettre ? La démocratie consiste aussi à respecter les opinions qu’on ne partage pas.
Commençons par l’attitude la plus évidente : ceux et celles qui sont contre l’euthanasie ou contre l’abolition du droit de veto grand-ducal, souvent les deux à la fois, ont de bonnes raisons de souhaiter la tenue d’un référendum et d’y voter non. Dans l’immédiat, cela signifierait que la loi sur l’euthanasie serait bloquée. Plus généralement, les adeptes d’un veto grand-ducal peuvent espérer, de la part d’un monarque aux vues conservatrices en matière de questions sociétales, d’autres interventions du même type, ou, mieux, une autocensure des partis politiques sur ces questions. Face à l’insistance des partis et des médias sur la futilité de l’initiative de référendum, ces monarchistes conservateurs doivent se dire que toutes les cartes ne sont pas sur la table. Le grand-duc est-t-il vraiment excédé par son pouvoir de veto, comme il a fini par l’affirmer lui-même ? Dans ce cas, que n’a-t-il discrètement paraphé la loi sur l’euthanasie comme tant d’autres auparavant ? Ou alors, dans un souci de clarté, demandé un changement constitutionnel dès son entrée en fonction en l’an 2000 ? N’y a-t-il pas une conspiration anti-monarchiste à l’oeuvre ?
Tout le monde ne partagera pas cette méfiance. Nombreux sont ceux et celles qui ne vont pas signer. Et ce malgré le fait qu’en cas de référendum, ils pencheraient en faveur du maintien du veto, en vertu des arguments évoqués. Peut-être sont-ils crédules : il suffit qu’on leur affirme que le grand-duc doit être au-dessus des partis – tout en leur cachant qu’on voudrait simplement… qu’il ferme sa gueule. Peut-être aussi qu’ils sont effrayés par la perspective d’une crise d’Etat. Ou alors cette majorité silencieuse est-elle trop inerte pour se déplacer jusqu’à la mairie apporter ses signatures.
En face, il y a une sorte de main-stream de gauche qui n’ira pas signer, mais qui est opposé au veto grand-ducal. Et qui trouve toute cette affaire ridicule, voire agaçante, parce qu’elle risque d’anéantir la plus grande – la seule ? – avancée progressiste de la législature passée : la loi autorisant l’euthanasie.
Pourtant, une partie de la gauche pourrait caresser l’idée de signer pour la tenue du référendum. L’idée serait de susciter un désaveu de la monarchie sur ce point, qui ouvrirait ensuite la porte à des projets républicains. Sans se soucier des conséquences pour l’euthanasie, ni du risque que le grand-duc finisse par être plébiscité lors du vote.
Enfin, certains, non moins favorables à la république et à l’euthanasie, pourraient même être tentés par la stratégie du pire : signer pour le référendum et y voter non, comme des monarchistes inconditionnels. Le but serait alors de provoquer une crise d’Etat, conduisant au minimum à l’abolition de la monarchie, sinon à une guerre civile et une révolution « couronnée » par la décapitation d’Henri de Luxembourg. Mais ce n’est là qu’un doux rêve, faut pas perdre la tête !