En dix ans, le mouvement altermondialiste a connu des hauts et des bas. Après le sommet de Copenhague, de nouvelles possibilités s’ouvrent.
Quand, le 30 novembre 1999, plus de 50.000 manifestant-e-s se mettaient en marche vers le centre de conférence de Seattle, ils et elles ne savaient pas qu’ils inauguraient un nouveau mouvement politique. L’altermondialisme, à l’époque on disait aussi antimondialisme, fut pour la première fois un grand sujet dans les médias, à cause des affrontements violents avec la police et de l’échec des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre lesquelles était dirigée la manif. Si les réticences des délégations officielles des pays du Sud ont sans doute été l’élément déterminant de cet échec, il n’en est pas moins vrai que la méfiance des sociétés civiles envers la « mondialisation néolibérale » a, depuis 1999, gêné nombre de conférences internationales. D’ailleurs, les négociations de l’OMC, baptisées « Cycle de Doha », d’après la réunion suivante au Qatar, à l’abri des manifs, n’ont toujours pas abouti.
Vu sous cet angle, dix ans après la victoire de Seattle, le sommet de Copenhague a été une défaite de l’altermondialisme. En effet, malgré la mobilisation aussi bien sur place – face à une répression toujours aussi farouche – qu’au niveau d’une société civile mondiale s’appuyant sur internet, l’objectif d’un accord permettant d’arrêter le changement climatique n’a pas été atteint. Et même si de nombreux-ses représentant-e-s d’ONGs avaient été invité-e-s aux réunions officielles, ils et elles se sont vu exclu-e-s lors du dernier round aboutissant au pseudo-accord que l’on sait.
Pourtant, le chemin parcouru en dix ans est considérable. En janvier 2001, sous l’impulsion de l’organisation Attac, fondée en 1998, le premier Forum social mondial eut lieu dans la ville brésilienne de Porto Alegre. Cela avait permis un travail et des discussions constructives à ce qui jusque-là n’était qu’un ensemble d’initiatives contestataires éparpillées. Le nom s’inspire d’ailleurs de celui du World economic forum de Davos : plutôt que de continuer à organiser des contre-sommets, et donc à suivre un agenda établi par l’adversaire, les « alters » aspiraient à prendre l’initiative.
Sans véritable succès. Certes, en 2003, le Forum social mondial et son pendant européen ont joué un rôle important dans la mobilisation contre la guerre en Irak. Mais la question de savoir comment impulser une « autre » mondialisation, plus sociale, plus écologique, plus juste, est restée sans réponse.
Dans ce contexte, la mobilisation récente sur le changement climatique, qui s’est développée en grande partie sans revendiquer le label « altermondialiste », constitue peut-être un grand pas en avant. Car à Copenhague, il ne s’agissait plus d’empêcher la « mauvaise » mondialisation du libre commerce, mais de promouvoir la « bonne » de la collaboration en matière climatique. Ainsi, les contestataires et extrémistes d’hier sont devenus, aux yeux des opinions publiques, ceux qui représentent la voix de la raison et de l’avenir face à des politicien-ne-s sans courage et passéistes.
Cette chance pour l’altermondialisme est aussi un grand défi. Pour le moment, la reconnaissance publique de son combat en matière climatique provient avant tout du sentiment d’urgence écologique. Or, les points liés aux aspects sociaux et de justice Nord-Sud ont joué un rôle important au sein des mobilisations pour Copenhague. D’un côté, ces aspects risquent de diviser le mouvement dès qu’un accord sera en vue – notamment si celui-ci se fait sur le dos des pays du Sud à travers les marchés de quotas. De l’autre, ils représentent l’occasion pour l’altermondialisme d’être le champion du « green new deal » mondial que les politicien-ne-s sont incapables de mettre en place.