PAVILLON LUXEMBOURGEOIS: Vaste programme

La mise en place du pavillon est l’oeuvre de nombreuses personnes. Nous nous sommes entretenus avec trois d’entre elles.

Attendre plus de trois heures sous la pluie, lors de la pré-ouverture du 20 avril. Décidément, le pavillon luxembourgeois a du succès auprès des Chinois-es.

Les Chinois et les Chinoises aiment voir la nature, ils et elles aiment regarder la télé – on va les satisfaire. Au pavillon luxembourgeois, une fois passée la zone d’entrée avec des plantes vertes et un bassin d’eau, on rentre dans un tunnel, parsemé de troncs… Il ne s’agit pas d’arbres mais de supports dans lesquels ont été installés des écrans de télé diffusant des images du « coeur vert de l’Europe ».

En espérant que ce premier contact les aura rendu réceptif-ve-s, les visiteur-se-s sont amené-e-s dans une section consacrée aux possibilités touristiques en mettant à profit le sésame que constitue le nom de Schengen. En effet, le village mosellan est connu de nombreux-ses Chinois-es, que ce soit parce qu’il désigne les sorties des aéroports qu’ils n’ont pas le droit d’emprunter, ou parce que le visa pour leur voyage en Europe s’appelle ainsi – et leur permet d’accéder à de nombreux pays à la fois. Au-delà de l’intérêt touristique, il s’agit aussi de faire comprendre que le Luxembourg représente une porte d’accès à l’Europe en matière commerciale : de par sa situation centrale et ses infrastructures de transport, il constitue un hub logistique.

« Notre premier objectif est de présenter le pays, de le positionner sur la carte du monde, auprès de ces visiteurs chinois et asiatiques, qui pour la plupart ne le connaissent guère », résume Danièle Bisdorff, secrétaire générale du comité d’exposition. C’est à cela que sert encore le film de présentation de trois minutes diffusé sur un mediawall large de 14 mètres. En face sont disposés les « totems », en fait des écrans à peu près de taille humaine, sur lesquels passent en boucle des interviews-portraits d’habitant-e-s du grand-duché. Parmi la cinquantaine de personnes présentées, il y a bien sûr aussi des immigré-e-s chinois-es, et le sous-titrage est fait en anglais et en chinois. « Nous avons évité les installations encombrantes comme des stands ou des maquettes de villes, notamment pour ne pas gêner le flux des masses de visiteurs auxquelles on s’attend », explique Bisdorff. Enfin, pour rattacher la présentation au mot d’ordre « Better city, better life », une quatrième section est consacrée au développement durable : les contributions que chacun-e peut faire, comme celle de fermer son robinet, sont résumées en une phrase et illustrées par une sculpture sur bois.

« Tout cela sera ouvert au grand public à tout moment », indique Bisdorff, « tout comme le restaurant, géré par la même famille qui possède le `Fontaine de Jade‘ au Luxembourg. » L’importance attachée à la bouffe est un intérêt que partagent Chinois-es et Luxembourgeois-es. Le restaurant servira de la nourriture pouvant convenir à la fois aux palais occidentaux et orientaux – côté boisson, pas de problème, car la bière Bofferding est connue depuis longtemps à Shanghai. Tout est prévu pour plaire : un espace séparé pour des repas d’affaires discrets, et de grandes ouvertures en forme de losange offrent une vue sur l’extérieur et sur les pavillons alentour – les 50 places assises risquent d’être prises d’assaut !

Chemin de ronde

Une fois sorti-e-s du « tunnel », les visiteur-se-s pourront encore déambuler sur la terrasse installée au-dessus, où se trouve aussi la « Box for Water » de la société Epuramat. Cette installation sert à produire de l’eau potable ad hoc, capacité qui intéressera les habitant-es d’un pays où il vaut mieux bouillir son eau avant de la boire – mais les difficultés d’obtenir des autorisations font qu’elle ne fonctionnera qu’en mode démo.

Quant à la tour centrale, qui donne son identité visuelle au pavillon, l’accés y sera plus limité, selon qu’il y aura des événements culturels ou commerciaux. Le premier étage, dit « VIP » sera entièrement réservé à des usages particuliers, notamment des réceptions pour hommes et femmes d’affaires. « Pouvoir siroter un petit blanc au balcon surplombant le pavillon, voilà qui devrait plaire », estime Danièle Bisdorff.

« Louer la tour pour y organiser soi-même des événements pourra intéresser des sociétés, surtout celles qui sont déjà implantées en Chine », confirme Jean-Claude Vesque, responsable des relations internationales à la Chambre de commerce. Pour les entreprises qui cherchent à prendre pied sur ce nouveau marché, la Chambre de commerce luxembourgeoise jouera un rôle de catalyseur : « Les frais seront réduits à un minimum, essentiellement le billet d’avion et la note d’hôtel. » La Chambre s’occupera aussi bien des interprètes et de l’équipement technique que du « matchmaking », la mise en contact avec des partenaires chinois, clients ou fournisseurs potentiels. « Notre réseau sur place est capable de trouver des partenaires pour des entreprises luxembourgeoises », assure Vesque, qui espère attirer de nombreuses sociétés « vu la situation économique en Europe ».

La Chambre de Commerce a négocié un tarif spécial au Grand Hyatt Pudong, un des hôtels les plus prestigieux de Shanghai : les chambres y sont agencées de manière spectaculaire entre le 53e et le 87e étage de la tour Jinmao, autour d’un atrium géant, un espace intérieur creux de plus de cent mètres de haut. De surcroît, il est situé à Pudong, sur la rive droite du Huangpu, comme la majeure partie du site de l’expo. « Cela facilitera le transfert vers le pavillon, vu l’état de la circulation au centre-ville », précise Vesque. En principe, les seminaires se tiendront dans le cadre très « business » du Hyatt, et seront suivis par un dîner-réception au pavillon, en guise de bonus pour les participant-e-s.

Affaires chinoises

Vesque rappelle que le but de l’Expo et du pavillon luxembourgeois sont moins commerciaux, mais qu’il s’agit d’abord de présenter le pays. C’est pourquoi la Chambre organisera en octobre une « Semaine commerciale luxembourgeoise », qui constituera son « apport en nature » au projet. Pour cela, plusieurs milliers de sociétés ont été contactées, et le principe de présenter chaque jour un secteur sous la forme souhaitée par les participants a été retenu. Pour le moment, 35 entreprises ont pris des engagements fermes, dont 12 pour les écotechnologies. Vesque estime qu’il y a des clients potentiels dans ce secteur, avec, en plus des entreprises privées, les municipalités chinoises confrontées aux problèmes écologiques.

Vesque a pu observer le boom chinois pendant de longues années, alors qu’il habitait et travaillait là-bas. « Au début des années 90, il n’y avait pas beaucoup de sociétés luxembourgeoises en Chine. Celle-ci, de son côté, hésitait à s’ouvrir. » Il constate aujourd’hui de nombreuses améliorations comme en matière de propriété intellectuelle ou de corruption. « Les `relations‘, ça ne se passe plus comme il y a 15 ans, quand il n’était pas rare que des hommes d’affaires occidentaux offraient une cartouche de cigarettes ou une bouteille de whisky à un cadre chinois gagnant quelques centaines de dollars par mois.

« Bien entendu, on ne peut pas se contenter d’envoyer des offres par courriel », souligne Vesque. « Pour faire des affaires en Chine il faut établir un véritable partenariat. » D’après lui, la tâche n’est pas plus difficile que celle des Chinois venant en Europe et confrontés à des coutumes et à des réseaux différents dans chaque pays. Restent l’envergure du marché et la barrière linguistique. Mais sur ce dernier point, Vesque rassure : « Il y a partout des employés parlant anglais, et le recours au traducteurs n’est qu’une assurance supplémentaire. »

Lieu d’échanges

Cela rejoint l’expérience de Christian Mosar, coordinateur culturel du pavillon, connu des lecteur-trice-s du woxx notamment pour ses portraits. « A Shanghai, la plupart des artistes parlent anglais, même s’il faut parfois un peu de temps pour communiquer. » Mais pour tout ce qui est organisationnel et institutionnel, les interprètes et l’aide du Consulat général sont indispensables.

L’objectif du programme culturel selon Mosar serait de « montrer ce qui se passe au Luxembourg ». Avec 70 artistes et 80 manifestations prévues, il se réjouit de la possibilité d’atteindre un public nombreux – « mille personnes par évènement, j’y crois ». Avec des moyens modestes : le plus grand ensemble sera « Lucillin » avec huit musicien-ne-s, pour des concerts de classique contemporain. Mosar espère nouer des contacts durables, avec des projets comme le « Workshop for Visual Arts – Moved, Mutated and Disturbed Identities », un échange entre artistes chinois-es et européen-ne-s. Lui même affirme avoir pris conscience du nombre de préjugés que nous cultivons envers la Chine.

« Travailler dans un contexte international est très enrichissant », confirme Danièle Bisdorff. Alors qu’elle travaillait à la représentation permanente européenne, elle rêvait déjà de participer à l’organisation d’une projet comme l’Expo. Son expérience bruxelloise lui a sans doute été utile quand, pour résoudre les nombreux problèmes organisationnels, les pays participants européens se sont rassemblés dans un working group – qui a dit que la coordination des relations étrangères européennes était inexistante ? « L’ouverture d’esprit et la flexibilité que j’ai acquis à Bruxelles m’ont bénéficé pour le pavillon », souligne Bisdorff. « Malgré toutes les difficultés, il y a eu un véritable échange – et j’apprécie aussi que cela permette de se remettre soi-même en question. »


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