UN AN DE REGULARISATIONS: Mesure unique, besoins persistants

La régularisation de sans-papiers est en marche depuis un an. Pour la énième fois, on dresse le bilan. Echecs pour les un-e-s, succès pour les autres. Chacun-e a raison à sa façon.

Heureux élus de la régularisation?
(photo:Christian Mosar)

D’abord la bonne nouvelle: sur 1.186 dossiers traités dans le cadre de la procédure de régularisation, plus de quatre cinquièmes ont donné lieu à des décisions positives. On a régularisé ainsi 1.520 personnes (un dossier concernant en général un ménage). Cela ressort des chiffres publiés à l’occasion du débat de consultation à la Chambre des député-e-s, mercredi dernier, un an après le début des régularisations. L’autre nouvelle est moins bonne: la majorité gouvernementale à la Chambre a exhorté le gouvernement à procéder au retour forcé des 254 personnes touchées par des refus, ainsi que de tous les autres sans-papiers. Enfin, s’il ne reste que 380 dossiers en suspens, il s’agit des cas les plus délicats, qui risquent de donner lieu a de nombreux refus.

Refus sans recours

Des refus contre lesquels il n’y aura guère de recours. En mars 2001, lors du vote de la motion à la base de la régularisation, certain-e-s avaient souhaité mettre en place un cadre légal. Le gouvernement avait préféré une procédure administrative, plus rapide à mettre en place et plus souple. Le hic, ont rappelé mercredi les député-e-s de l’opposition, c’est que les recours contre des refus, ne peuvent pas faire valoir les critères de régularisation car ceux2ci n’ont pas de base légale.

Il semble cependant que les critères que le gouvernement a établis soient appliqués consciencieusement par la cellule de régularisation, dont le bon travail a d’ailleurs été salué par tou-te-s les orateur-trice-s. Pour le moment, ce problème de recours serait plut®t une question de principe. Dans un communiqué, le Comité de liaison et d’action des étrangers (Clae) a cependant critiqué le peu de foi accordé aux attestations testimoniales, surtout celles venant du même milieu culturel ou familial. Les enquêtes de police, par contre, seraient fréquentes et compteraient beaucoup plus que les témoignages, un reproche repris par la députée Verte Renée Wagener.

„Les enquêtes de police ne sont pas la règle“, a insisté François Biltgen, ministre du travail. Il a admis que pour les dossiers restants, on y ferait sans doute appel plus souvent. Cela confirme les craintes du Clae, qui écrit: „… s’il n’y a pas plus d’ouverture de la part des ministères concernés, le taux de refus va augmenter de manière vertigineuse.“

La plupart des critiques contestent moins l’application des critères que leur sévérité. En comparant la régularisation luxembourgeoise à celles dans d’autres pays, Renée Wagener dénonce un manque de générosité, alors que François Biltgen trouve les critères plut®t larges. En vérité, il est difficile de comparer: les situations des personnes concernées et les objectifs visés par les régularisations sont trop divergents.

Un point dénoncé par toutes les ONG est l’obligation des personnes „régularisables“ de présenter un passeport valide. Cela s’est avéré irréaliste malgré la bonne volonté des concerné-e-s (et l’argent qu’ils y ont mis). Dans la même motion qui réclame les retours forcés, la majorité gouvernementale demande d’assouplir ce critère. Les ONG demandent des assouplissements dans d’autres domaines: la Caritas cite l’obligation de trouver un logement en un an, les cas particuliers de femmes seules et de jeunes apprenti-e-s, ainsi que les cas humanitaires; le Clae rappelle le problème des personnes avec de faux papiers, refusées automatiquement.

Au-delà de ces cas particuliers, la question de l’efficacité globale de la régularisation a été soulevée lors des débats à la Chambre. François Biltgen et le député Laurent Mosar (CSV) ont argumenté que l’économie luxembourgeoise a surtout besoin de main d’oeuvre qualifiée. Les personnes non régularisables, essentiellement des réfugié-e-s d’ex-Yougoslavie arrivé-e-s après la date butoir du 1er juillet 1998, ne feraient pas l’affaire. Il serait logique de les expulser, tout en important de manière ciblée une main d’oeuvre non communautaire.

Inemployables

Renée Wagener s’est montrée convaincue du contraire: „Mille personnes non qualifiées ayant trouvé un emploi, notamment dans la restauration, cela montre bien qu’il y a des besoins non satisfaits.“ Lors des débats et colloques sur l’immigration, la notion de marché du travail dual a été exposée a plusieurs reprises: à c®té du marché du travail „normal“, il existe des emplois peu qualifiés dans des secteurs faiblement capitalistiques avec des salaires bas. Comme les nationaux délaissent ces secteurs, il faut recourir à l’immigration. Le ministre ne s’embarrasse pas de ces subtilités: „Nous allons améliorer les conditions dans le secteur de la restauration, ainsi les ch®meurs résidants peu qualifiés ne refuseront plus ces emplois.“

„De nombreux patrons ne veulent pas d’employé-e-s en situation légale“, tel avait été une des mises en garde des critiques de la régularisation. François Biltgen a confirmé que la plupart des régularisé-e-s étaient des demandeur-euse-s d’asile et non des sans-papiers „classiques“, c’est-à-dire des immigré-e-s clandestin-e-s travaillant au noir. Il en a déduit: „Nous avons moins de sans-papiers que certains ne l’avaient dit.“ L’autre interprétation est évidemment que la plupart des clandestin-e-s, menacé-e-s par leurs employeur-euse-s, n’ont pas introduit de demande. Dans ce cas, les discours du ministre sur la fermeté à l’égard des patrons „au noir“ n’ont pas eu beaucoup d’effet et les paroles n’ont pas été suivies d’actes.

Irrégularisables

Une motion présentée par le parti Vert demandait „une nouvelle régularisation sur base de critères plus larges“. L’idée d’une telle „prolongation“ n’a pas été acceptée, mais seuls les orateurs du CSV et de l’ADR ont exclu la possibilité d’aller au-delà d’une „mesure unique“. Serge Urbany („déi lénk“), Ben Fayot (POSL) et même Agni Durdu (DP), à des degrés divers, étaient prêt-e-s à envisager d’autres mesures de régularisation.

Enfin, François Biltgen a insisté sur le fait que l’immigration ne devait pas se faire à travers des dispositions prises pour assurer le droit d’asile. „Cela minerait le droit d’asile et son acceptation dans la population. Si les demandeurs déboutés restent ici, nous n’avons pas de place pour en accueillir de nouveaux.“, a-t-il conclu. Concernant les retours forcés, il a assuré qu’ils seraient bient®t intensifiés: un accord de réadmission avec la Yougoslavie sera signé le 18 juillet. Et de rappeler les projets de coopération et de développement du Luxembourg dans le Sandjak, destination de la plupart des retours. Résumons: Au Luxembourg, personne n’a besoin d’eux. Là-bas, du travail et des perspectives d’avenir les attendent. Pourquoi ces gens ne veulent-ils donc pas comprendre?


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