CONFLIT SOCIAL: Des fonctionnaires comme les autres

Les instituteurs n’en peuvent plus d’attendre leur reclassement de carrière. L’immobilisme du gouvernement en la matière a pour effet un début de mobilisation important.

On se serait cru à la veille du grand soir. Les 1.500 institutrices et instituteurs rassemblés mardi dernier au centre culturel de Bertrange se serraient comme des sardines dans un bâtiment trop exigu pour tous les contenir. Une réunion de 1.500 personnes dans le cadre d’un conflit social, c’est plutôt rare au Luxembourg. Sauf lorsqu’il s’agit des retraites ou des traitements de la fonction publique.

En tout cas, le rassemblement organisé conjointement par les deux syndicats d’enseignant-e-s, le Syndicat national des enseignants (SNE, affilié au syndicat de la fonction publique, la CGFP) et le Syndikat Erzéiung a Wëssenschaft (SEW, affilié à l’OGBL) a été couronné de succès. Et les enseignant-e-s présent-e-s semblaient tout aussi déterminé-e-s à faire valoir leurs intérêts matériels que leurs directions syndicales.

Cela fait des décennies que les enseignant-e-s du primaire se sentent injustement traités par les gouvernements successifs. Si la carrière d’instituteur a toujours nécessité un certain nombre d’années d’études supérieures (deux années, puis trois avec la réforme de 1983 et finalement quatre avec celle de 2003), ces derniers ont toujours été cantonnés dans le grade E3ter de la « carrière moyenne » de la fonction publique.

Cette situation de fait remonte à loin. Le premier institut de formation des instituteurs vit le jour en 1845, avec la création de l’Ecole normale, que l’on pouvait intégrer dès l’âge de 15 ans. Suivit la loi scolaire de 1912 qui reprit dans les grandes lignes le même cheminement de formation. Mais c’est surtout avec la création de l’Institut pédagogique en 1958 que le ver s’est entré dans le fruit. A ce moment, la formation de deux ans était assimilée à un « stage » et non pas à des études post-secondaires. Dans cette logique, les instituteurs ne pouvaient prétendre à une autre carrière et à un autre traitement que celui du fameux « rédacteur ». En 1983, une nouvelle loi réorganise la formation des instituteurs et crée l’Institut supérieur d’études et de recherches pédagogiques (Iserp) qui comporte désormais trois années d’études supérieures. Finalement, avec la création, en 2003, de l’Université du Luxembourg, et l’intégration de l’Iserp en son sein, la formation passe à quatre années. La carrière moyenne étant destinée aux détenteurs d’un bac jusqu’au bac +3, la revendication des instituteurs de pouvoir accéder à la carrière supérieure n’en devient que plus légitime.

Depuis des mois déjà, et de manière intensive, les syndicats enseignants réclament aussi et surtout un « reclassement » dans un grade supérieur, par conséquent, leur passage du grade E3ter au grade E6. Explication pour le profane non fonctionnarisé : les « grades de substitution » dépendent, au sein d’une même carrière, du degré de responsabilité et de la nature de la fonction occupée. L’avancement d’un grade vers un autre a surtout un impact financier : dans le cas des revendications des instituteurs, il ne serait pas négligeable. En fin de carrière, leurs traitements bruts mensuels passeraient de 7.383 à 8.534 euros. Pour les syndicats, ce serait une adaptation plus que normale, étant donné l’accroissement des responsabilités et des charges auprès d’une population scolaire de plus en plus hétérogène.

Evidemment, les syndicalistes sont conscients de l’impact négatif de leurs revendications auprès d’une partie de l’opinion publique. Après tout, leurs salaires, comme ceux de la fonction publique en général, sont plus que confortables comparés, à qualification égale, à une grande partie des salaires dans le privé. « Manifester en public pour une question de salaire, cela ne se fait pas ! », ironise Monique Adam, présidente du SEW. « Mais nous le faisons quand même car nous y sommes contraints ! », continue-t-elle. Aux yeux des syndicats, la revalorisation doit en effet être inclue dans les nouvelles lois scolaires qui vont remplacer celle de 1912. Pour l’instant, le gouvernement n’a pas prévu une telle mesure et ne semble pas vouloir accéder aux demandes syndicales. En tout cas, les 1.500 enseignants présents semblaient plus que déterminés : à chaque fois que le mot grève était prononcé, il fut suivi par de longs applaudissements.


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