La réforme de la fonction publique proposée par le gouvernement s’inspire des pires exemples du secteur privé. Mais l’on ne voit pas en quel sens cette approche démagogique contribuera à l’amélioration du service public.
Lors de la dernière campagne électorale, celui qui présidait alors le CSV, François Biltgen, n’avait pas hésité à prévenir que son parti allait réformer la fonction publique, en abaissant notamment les traitements de départ des fonctionnaires nouvellement engagés. Le pari semblait risqué, tant l’on connaît le poids électoral et l’influence politique de ce corps. N’ont-ils pas fait chèrement payer au LSAP, lors des élections de 1999, la réforme des retraites, ce qui lui a coûté la participation gouvernementale au profit d’un DP qui avait engrangé les voix de fonctionnaires en colère ? Mais d’autres règles régissent le CSV : non seulement ses résultats électoraux ne se sont pas effrités, mais ils ont atteint un score historique.
Désormais, celui qui avait annoncé la cure est aux commandes du ministère de la fonction publique. Et il semble vouloir tenir ses promesses.
Dans un contexte de crise où le mot « économies » se trouve quasiment sur toutes les lèvres, François Biltgen a beau jeu. Réduire les traitements d’entrée des fonctionnaires peut paraître séduisant, du moins aux oreilles de celles et ceux qui ne se destinent pas à cette carrière. Parallèlement, le ministre propose d’augmenter les traitements des hauts cadres, arguant qu’à compétences égales, ces derniers pourraient toucher bien plus dans le secteur privé. Il faut de bons chefs, efficacité oblige. L’efficacité, justement : comme il faut l’améliorer, les fonctionnaires seront soumis à une évaluation régulière et arbitraire, ce qui aura un impact sur le rythme de leur avancement. Normal, comme dans le privé, les « meilleurs » doivent être récompensés et les cancres sanctionnés. Tant qu’il y est, Biltgen veut faire appliquer une mentalité de caserne des plus douteuses : son projet prévoit en effet d’exclure de la fonction publique les agents en désaccord avec l’orientation politique générale de l’Etat.
Bref, toutes ces réformes sont envisagées au nom de l’amélioration du fonctionnement du service public. Mais sera-ce vraiment le cas ? Ce qui est déplorable dans la discussion concernant la réforme de la fonction publique, c’est que les propositions d‘ « amélioration » se calquent systématiquement sur les pratiques managériales du privé, comme si celles-ci représentaient le parangon du monde du travail. Augmentation de la pression, évaluation arbitraire émanant du supérieur hiérarchique, mise en concurrence des agents, abaissement des traitements pour les carrières inférieures et moyennes : en quel sens ces réformes contribueront-elles à une amélioration du service aux citoyens ? En quoi la dégradation des conditions de travail et des rémunérations des fonctionnaires profiterait-elle aux salarié-e-s du privé et aux citoyens en général?
Il ne s’agit évidemment pas d’exclure d’entrée toute idée de réforme ou d’amélioration du service public, qui en a certainement besoin. Mais pourquoi ne pas procéder autrement ? Au lieu de s’inspirer des pires pratiques du secteur privé, la fonction publique pourrait plutôt servir d’exemple. D’accord pour une amélioration du fonctionnement des administrations, mais selon les besoins réels des citoyens (car c’est de cela qu’il s’agit, n’oublions pas que le service public poursuit d’autres finalités que le secteur marchand) et de concert avec les préoccupations des agents, dont le sérieux est trop souvent tourné en ridicule. Pourquoi ne pas imaginer des systèmes d’évaluation et d’amélioration impliquant tous les acteurs et bénéficiaires des services de l’Etat. Ce serait une belle révolution démocratique qui pourrait faire tâche d’huile!