Alors qu’ArcelorMittal remonte la pente et renoue avec les gros bénéfices, des ombres noires surgissent au-dessus des usines luxembourgeoises.
Le fin gratin de la presse luxembourgeoise, grande-régionale et internationale était présent ce mardi lors de la conférence de presse présentant le bilan 2010 du producteur d’acier aux dimensions planétaires. Il y avait de quoi aussi : les chiffres présentés auront des conséquences pratiques dans les jours, semaines et mois à venir. Et globalement, les choses vont bon train pour ArcelorMittal : avec un bénéfice de 2,9 milliards de dollars, la firme retrouve des performances qui ressemblent aux bilans d’avant la crise. Même si en 2008 le bénéfice s’élevait encore à 9,4 milliards de dollars, il ne faut pas oublier qu’en 2009, il n’était « que » de 157 millions de dollars – des cacahuètes pour un champion mondial comme ArcelorMittal entend l’être.
Selon Lakshmi Mittal, le pdg du groupe : « Il faudra attendre 2015 pour vraiment revenir là où on se positionnait avant la crise. 2010 a été une année comblée de défis et 2011 sera pareil, tout en avançant dans la bonne direction », a-t-il fait savoir. Le seul élément qui pourra encore obscurcir les plans de reconquête des gros bénéfices serait une augmentation drastique des prix des matières premières, pourtant prévue pour le deuxième semestre 2011. Mais ArcelorMittal sait anticiper et en a les moyens. Comme en témoigne un de leurs derniers projets présenté à la presse ce mardi : l’acquisition de « Baffinland ». Il s’agit de gisements de minerais de fer situés sur la plus grande île au nord du Canada, dans l’archipel arctique. En 1962, des minerais de fer y sont découverts, mais vu leur éloignement géographique leur exploitation n’avance que lentement. En 2011, globalisation et réchauffement climatique aidant, c’est presque chose faite, puisqu’ArcelorMittal vient de mettre le grappin sur 70 pour cent des actions de « Baffinland », la compagnie qui gérait jusqu’ici les réserves.
Mais tout cela n’est qu’un des projets qui visent à rendre le groupe plus autonome du marché des matières premières. Et donc plus autonome aussi face aux marchés tout court, ce qui devrait plaire aux actionnaires. Ce qui leur plaira peut-être moins – s’ils ne s’en fichent pas totalement – c’est ce qui se passe en ce moment dans les usines sur le territoire grand-ducal, à Schifflange et à Rodange plus précisément. Dans ces usines, on fabrique majoritairement des produits destinés au secteur de la construction. Or, vu que celui-ci ne se remet pas ou peu de la crise, les deux usines sont – interdépendance oblige – déficitaires. Certes, ces quelques 30 millions d’euros perdus en 2009 et ces 15 millions perdus en 2010 disparaissent dans le bilan positif global d’ArcelorMittal, mais toujours est-il que les dirigeants n’apprécient pas le rouge dans leurs calculs et entendent chercher des « solutions » pour améliorer la productivité de ces sites.
Ce vocabulaire a fait sonner l’alarme chez l’asbl « Sidérurgie » qui regroupe des représentants de l’OGBL et du LCGB. Dans un communiqué du 4 février 2011, les syndicats redoutent une « violation des accords Lux 2011 », rien de moins. Ces accords, basés sur des discussions au sein de la sacro-sainte tripartite, devraient assurer la continuité des emplois sur les sites luxembourgeois. Mais avec l’objectif émis de la part des dirigeants de faire des économies, les syndicats s’attendent à quelques 262 destructions de postes. Auxquels s’ajouteront les 42 postes délocalisés du Luxembourg dans le cadre de la restructuration du secteur informatique du géant de l’acier. Certes, Michel Wurth a essayé de calmer les esprits en disant que « pour le moment, il n’est pas question de tailler dans les emplois ». Mais qui sait quand le moment changera ?