MEDICAMENTS: Ignorer des risques ?

Le Médiator a révélé au grand public les failles du système français de sécurité sanitaire en matière pharmaceutique. Aussi le Luxemburg devait en retirer une leçon.

La crise du Médiator, un médicament potentiellement mortel, a changé le regard que portaient nos voisins français sur les médicaments. Mais au Luxembourg le ministre de la santé Mars Di Bartolomeo ne semble pas vouloir réagir par rapport à cette affaire, qui a révélé de nombreux dysfonctionnements au sein du système de santé. Ainsi, ce scandale n’a pas seulement souligné la faiblesse des dispositifs de pharmacovigilance, ne disposant pas de moyens suffisants, mais aussi la faible valorisation des carrières dans ce domaine qui ne permet pas de garantir l’indépendance des experts. Or ce sont eux qui sont supposés faire les analyses bénéfice-risque d’un produit avant son introduction sur le marché. Autres facteurs à l’origine de l’affaire : l’absence d’incitation à la notification des effets secondaires par les praticiens, sans compter la complexité administrative, qui rend très lente toute prise de décision de « l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » (Afssaps).

Ainsi le ministre Di Bartolomeo n’a pas voulu suivre le député Jean Colombera dans le cadre d’une question parlementaire urgente. Ce dernier avait suggéré de faire valoir le principe de précaution et de retirer 31 médicaments du marché pendant six mois. Il s’agit de produits qui font partie de la liste des 77 produits placés sous surveillance renforcée par l’Afssaps. En plus, l’ADR réclamait qu’on donne aux patients, aux médecins et aux pharmaciens les informations nécessaires sur des médicaments, qui pourraient remplacer ceux de la liste. C’est provoquer la panique et poser des questions bêtes, a jugé le ministre.

De quoi s’agit-il? Le Médiator, est un médicament des laboratoires Servier, utilisé dans le traitement de certains diabètes et comme aide à la perte de poids. Ce produit aurait provoqué la mort d’au moins 500 personnes et plus de 3.500 hospitalisations depuis sa commercialisation en 1976 ? alors que le nombre d’alertes aurait dû entraîner son retrait du marché dès 1999. Or, le Médiator n’a disparu des pharmacies que dix ans plus tard, en novembre 2009.

L’ampleur du scandale est telle qu’on réclame la rénovation sans complaisance de Afssaps qui, à coté de « l’Agence européenne d’évaluation des médicaments » (Emea), délivre l’autorisation de mise sur le marché de médicaments.

Cette affaire a montré non seulement, que l’indépendance de ces gendarmes du médicament par rapport aux industriels est loin d’être garantie. Mais dans tout le dossier la transparence et la vigilance font défaut. De ce fait la réaction du ministre Mars Di Barolomeo laisse à désirer. Ignorer les risques n’est pas le chemin à prendre. Notons aussi que le ministre ne s’est pas encore prononcé sur les récents cas de patients souffrant de narcolepsie après avoir été vaccinés contre la grippe A-H1N1.

L’affaire du Médiator est une chance pour revoir les critères d’évaluation des médicaments au niveau européen. En plus il faut se demander, si les canaux formels existants pour faire remonter l’information de lanceurs d’alerte ou de victimes sont assez performants pour déclencher en temps utile des contre-expertises. En plus on peut s’interroger si, au pire des cas, il existe au Luxembourg la possibilité d’ouvrir des voies de recours collectifs en justice pour des victimes de médicaments. Des sanctions plus lourdes à l’encontre de l’industrie pharmaceutique pourraient peut-être l’inciter aussi à des comportements plus scrupuleux.


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