DAVID O. RUSSELL: Famille, je vous hais

« Fighter », avec Mark Wahlberg et Christian Bale a tout de la production hollywoodienne formatée. Pourtant ce film parvient à séduire par son approche torturée du plus universel des sujets : la famille.

C’est pour suivre l’exemple de son frère Dick, que Micky monte à son tour sur le ring, Dick se chargeant de l’entraîner.
Mark Wahlberg et Christian Bale dans « The fighter ».

On ne choisit ni sa famille, ni son lieu de naissance et dans ce jeu de hasard, Micky Ward n’a pas tiré les meilleurs atouts. Originaire de Lowell, triste cité du Rust Belt, frappée de plein fouet par la désindustrialisation, il a grandi dans l’ombre d’une mère étouffante et de son demi-frère, Dick. Ancien champion de boxe, celui-ci connut son heure de gloire en 1978 lorsqu’au cours d’un combat, il mit K.O. le légendaire Sugar Ray Leonard. C’est pour suivre son exemple que Micky monta à son tour sur le ring, Dick se chargeant de l’entraîner. Mais entre-temps Dick a sombré dans la drogue et entraîne son frère dans sa chute. Suite à une énième défaite, Micky décide de rompre avec les siens et de reprendre sa carrière en main.

« Fighter », à plus d’un titre, est l’histoire d’un comeback ; celui du héros principal du film, mais aussi celui de son réalisateur, David O. Russell. Révélé au grand public en 1999 grâce au succès des « Rois du Désert », il revint cinq ans plus tard avec « J’adore Huckabees », une « comédie existentialiste », prétentieuse et inaboutie qui reçut un accueil critique plutôt mitigé et fut boudée par les spectateurs. Le film accéda toutefois à une notoriété douteuse lorsque des vidéos prises lors du tournage, et sur lesquelles on pouvait voir Russell pétant les plombs et insultant l’actrice Lily Tomlin, commencèrent à circuler sur le net. Suite à cela il fut boudé par les studios et ne put rentrer en grâce qu’en passant par les fourches caudines de Hollywood. Ce qui ne lui a pas si mal réussi, puisque « Fighter » a été gratifié de quatre nominations au Golden Globes et cinq nominations aux Oscars.

Au premier coup d’oeil, « Fighter » a tout du film formaté. Il est tout d’abord, comme le veut la formule « basé sur des faits réels » – le moyen le plus sûr de vendre aux consommateurs les produits les plus surannés de l’usine à mythes américaine. Son message est celui qui a nourri depuis le biberon tous ceux qui ont eu la chance de grandir dans le « monde libre ». En quelques mots : on peut venir du plus bas de l’échelle sociale, avoir connu revers sur revers, mais à condition de discipline et de volonté, à condition aussi de croire en sa bonne étoile, on peut réaliser ses rêves, accéder à la gloire et à la fortune. Et si en route on peut rencontrer l’amour, ce n’est pas plus mal. Les acteurs n’ont, eux non plus, pas hésité à donner de leurs personnes pour restituer la véracité non inventée de cette épopée authentiquement réelle. Pour construire leurs personnages ils ont rencontré les vrais protagonistes. Mark Wahlberg a eu le talent de prendre du muscle pour faire boxeur et Christian Bale celui de perdre du poids pour faire junkie.

Et pourtant, malgré cette débauche de clichés, ce « Fighter » ne laisse pas indifférent. Car même si l’air est connu, la variation ne manque pas d’intérêt. Elle provient d’abord du fait que le scénario est malgré tout plus subtil qu’il n’y paraît. Si Micky parvient à se dépasser, c’est en s’affranchissant du carcan familial. Cette prise de distance ne va pas de soi car, malgré ses dysfonctionnements, le clan lui donnait l’amour et la protection des communautés de sang soudées. La tension, les volte-face, les déchirements que créent cette situation sont, au-delà des artifices hollywoodiens, brillamment interprétés par un casting d’exception.

A l’Utopolis.


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