De l’ADR à Jean-Claude Juncker, chacun a sa méthode démagogique pour traiter la situation des Roms. Mais aucune ne propose une solution humaine.
C’est Roy Reding, secrétaire général de l’ADR et avocat d’affaires, qui a résumé l’état d’esprit de bon nombre de Luxembourgeois à l’occasion du congrès de son parti dimanche dernier. Il a fait un parallèle entre les milliers de Luxembourgeois, qui s’installent dans les régions frontalières à cause des prix de l’immobilier exorbitants dans leur pays, et les Roms venus d’Europe centrale ou des Balkans. D’après lui, « ce sont des gens qui ont fui leur pays parce qu’ils ne pouvaient pas y avoir de maison. C’est pareil pour 10.000 de nos concitoyens. Mais eux n’obtiennent pas de chambre gratuite en hôtel cinq étoiles de la part du gouvernement. » Evidemment, les applaudissements lui étaient assurés. A d’autres époques, on faisait déjà hurler les foules en stigmatisant certaines populations. Ce fut un temps les Juifs. Désormais, ce sont sur les Roms que se concentrent les fantasmes, les peurs et les haines..
Voilà à quoi en est réduit le débat. Et il ne faut surtout pas penser que Reding ait prononcé cette phrase à l’emporte-pièce. La réduction du problème à des comparaisons et des raccourcis intenables est grandement partagée par la population. Et lorsque les autorités officielles s’y mettent, cela n’arrange en rien l’affaire. Ainsi, le premier ministre Jean-Claude Juncker s’est permis de dire mercredi, à la tribune de la Chambre lors de sa déclaration sur l’état de la nation, que les demandeurs d’asile serbes devaient retourner en Serbie, puisque la Serbie est en paix et qu’il n’existe aucune raison de la quitter. On se demande alors pourquoi les Roms la quittent. Pas seulement parce qu’ils « ne trouvent pas de maison ». Ce n’est pas une question de loyer. Evidemment, il est politiquement bien plus intéressant pour un Juncker de revêtir son costume fétiche de patriarche démagogue. « Ils retourneront chez eux, nous leur donnerons 200 euros et nous les y reconduirons gratuitement en bus », se permet-il de dire. Le cocktail est parfait : hôtel cinq étoiles gratuit, 200 euros en poche, bus gratuit, et hop, le tour est joué, les Roms peuvent continuer à trimballer leur réputation. Mais Juncker a-t-il contribué de quelque manière que ce soit à résoudre la problématique ? Non.
Le problème des Roms, c’est que personne ne les aime. Pire, personne ne les connaît vraiment et rares sont celles et ceux qui font l’effort de s’intéresser à cette population. Et comme tous les peuples dans cette situation, ils traînent avec eux une cohorte de mythes, de légendes, d’a priori. Le racisme à leur propos est extrême car on leur prête aisément des caractéristiques ethniques pas forcément des plus flatteuses. D’ailleurs, l’annonce de leur arrivée dans le petit village de Bollendorf-Pont a provoqué les réactions auxquelles l’on pouvait s’attendre. La population de cette localité, ou du moins une grande partie, refuse que l’on y installe ces personnes, et encore moins dans un « hôtel cinq étoiles ».
Que faire ? Traiter ces gens qui protestent de racistes et d’abrutis est bien facile, mais cela ne fait pas avancer le schmilblick. Le monde est en désordre. Le reformatage de l’Europe centrale et orientale après 1989 a créé de nouveaux problèmes. Les inégalités entre le Nord et le Sud, que le Nord – c’est-à-dire nous – a grandement contribué à creuser pour son propre profit, tel un parasite, augmentent. Il est donc normal que les familles envoient chez nous leurs meilleurs membres, souvent les plus éduqués. Et il n’est pas facile, évidemment, d’accueillir rapidement de nouvelles populations, surtout pour un pays de petite taille. Il faut des infrastructures et une politique de l’accueil cohérente afin que la situation ne devienne pas explosive. Mais pour cela, il faudrait aussi des responsables politiques qui prévoient un minimum, ce qui n’est pas le cas. Et finalement, concernant les Roms, un gouvernement responsable devrait véhiculer activement une autre image de ce peuple qui n’est ni pire, ni meilleur qu’un autre et lui venir en aide. Comme l’auraient fait, à une autre époque, cette infime minorité que l’on nommait les Justes.