GENDER: Où sont les hommes?

Les hommes seraient-ils le sexe faible? A en croire l’Association des hommes du Luxembourg nouvellement créée, le divorce ne serait plus le seul domaine qui pénaliserait la gent masculine.

Pour défendre leurs intérêts, les hommes préfèrent rester entre eux.

„Je ne pense pas que les choses soient plus faciles pour les hommes que pour les femmes“. Fernand Kartheiser, le secrétaire de l'“Association des Hommes du Luxembourg“ (AHL) n’est pas homme à tourner longtemps autour du pot. Cet officier de l’armée luxembourgeoise, diplomate de carrière et auteur de romans d’espionnage à ses heures perdues, a trouvé un nouveau champ de bataille. L’AHL vient de voir le jour le 18 décembre 2005 et succède à la défunte „Association luxembourgeoise d’Aide aux Hommes Divorcés ou en Instance de Divorce“ (AHDID). Si l’AHDID se contentait de défendre les intérêts de certains hommes lésés par un divorce, l’AHL veut voir plus loin. Elle se „propose de devenir l’interlocuteur privilégié des autorités luxembourgeoises pour toute question touchant aux intérêts des hommes“. L’association entend ainsi élargir ses champs d’activités à d’autres sujets parmi lesquels figurent les problèmes scolaires des jeunes, les suicides, le harcèlement sexuel, la violence conjugale, la sécurité au travail, les questions d’assurances et „tout domaine où les hommes ou les garçons sont victimes de préjugés ou font l’objet de discriminations“.
Mais les hommes sont-ils vraiment si mal lotis? A quelques jours du 8 mars, la journée internationale de la femme, les documents témoignant des multiples discriminations subies par les femmes affluent. Pourtant, l’AHL répond à une évolution déjà en route dans d’autres pays. Le malaise ressenti par certains hommes face à l’émancipation progressive des femmes a donné naissance à des associations masculines. Au Québec par exemple, jadis bastion du catholicisme en Amérique du nord, une „Coalition pour la défense des droits des hommes du Québec“ a vu le jour et participe même à des auditions de commissions parlementaires de la province canadienne. Est-ce un hasard si une telle organisation a vu le jour au Québec? La belle province a en effet rattrapé ces dernières années un grand retard en matière de droit des femmes et connaî t actuellement une législation très progressiste en la matière. D’ailleurs, un des principaux chevaux de bataille de la coalition est la dénonciation de „la politique gouvernementale québécoise sexiste d’intervention en matière de violence conjugale“. Un point commun avec l’AHL.

Trop sévère?
„La violence conjugale ne peut être tolérée et doit être poursuivie“, explique Kartheiser, „toutefois, la loi sur la violence domestique repose sur une base légale incertaine.“ Cette loi votée en 2003 par la Chambre des députés est en effet une des plus sévères au monde. Ce sont particulièrement les dispositions relatives à l’expulsion provisoire du ou de la conjoint-e violent-e qui poseraient problème. Selon Kartheiser, „il est difficile pour la police de juger une situation de violence domestique depuis l’extérieur.“ Mais un autre grief que l’AHL impute à la loi est tout autre que d’ordre juridique. Il s’agirait de cette loi non-écrite qui pénaliserait d’office les hommes dans les cas de violences conjugales.
Si l’on s’en tient pourtant aux chiffres fournis par le rapport 2004 de la police grand-ducale, il ressort que les hommes constituent un dixième des victimes de telles violences. Quant à l’application de l’expulsion provisoire hors du foyer, elle serait aveugle sur les sexes. Interrogée par woxx, la police a pu confirmer que des femmes violentes ont également été expulsées du domicile.
Quant à la loi sur le harcèlement sexuel, l’AHL revendique également qu’elle soit réformée en invoquant l’Etat de droit. „Il s’agit d’un renversement partiel de la charge des preuves“, estime Kartheiser, „car il suffit de se sentir harcelé pour pouvoir porter une accusation“. A nouveau, ce seraient les hommes, victimes de préjugés, qui en feraient les frais. Car l’AHL semble être convaincue qu’une sorte de conjuration féministe menace le sexe fort. Pour Claude Schroeder, trésorier de l’association, il suffit de regarder les employées du ministère de la promotion féminine qu’il qualifie de „féministes extrémistes“. Même chose pour les tribunaux où la fonction de juge serait de plus en plus occupée par des femmes. „On va vers une menace pour les hommes“, craint Schroeder. Malgré ces appréhensions envers le ministère de Marie-Josée Jacobs, l’AHL confirme que la ministre s’est montrée très ouverte à un certain nombre de leurs revendications.

„Des féministes partout“
Le projet de loi sur le divorce reste un autre point de discorde avec les pouvoirs publics. Le désaccord de l’AHL face au projet de loi est d’ailleurs partagé par le Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL), bien que pour d’autres motifs. Pour Landi Casali, la présidente du CNFL, le principal problème réside au niveau des droits dérivés en matière d’assurance sociale que la fédération aimerait voir remplacés par l’individualisation. Quant aux problèmes que peuvent rencontrer certains pères lors de divorces, le CNFL n’a pas encore réussi à prendre clairement position. C’est justement sur cette problématique que l’AHL entend continuer sa lutte. Plus, elle voudrait pouvoir se proposer comme arbitre lors de divorces et apporter du soutien moral et psychologique aux hommes en instance de divorce. Un courrier aurait également été envoyé aux avocat-e-s du Luxembourg pour solliciter leur aide en matière de conseil juridique.
Mais il y a une différence entre des initiatives louables telles que la défense d’hommes traumatisés par un divorce ou lésés par les conséquences qui peuvent en découler, et véhiculer une peur du féminisme et les stéréotypes qui vont avec. Car si Fernand Kartheiser tient à souligner que son association „n’a rien contre les femmes“, il met ouvertement en question le réalisme des statistiques démontrant les discriminations sociales, politiques et professionnelles dont les femmes font l’objet. Et de se demander comment il se fait que, malgré „des encouragements depuis 25 ans“, les femmes soient toujours sous-représentées en politique. Mais peut-être est-ce Claude Schroeder qui peut lui répondre: „En politique, les femmes se sentent peut-être moins concernées parce qu’elles préfèrent l’action au débat“.


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