Paris en rose, Athènes en bleu, une bonne nouvelle pour l’Europe ? La gauche contestataire reste sur la touche, ce qui ouvre la voie pour des arrangements au niveau européen – et pour une continuation des politiques d’austérité.
Deux scrutins très attendus se sont déroulés le week-end dernier. Les résultats, aussi bien en France qu’en Grèce, semblent convenir à ceux qui voudraient poursuivre les politiques de « consolidation budgétaire », quitte à les atténuer un peu et à les compléter par un « pacte de croissance ». Mais l’accalmie pourrait n’être que de courte durée.
En France, la majorité absolue du PS à l’Assemblée ouvre de larges possibilités au nouveau président et à son parti. François Hollande pourra prendre des initiatives au niveau national et européen sans en référer, comme d’autres dirigeants, à un ou plusieurs partenaires de coalition. Pour le moment, les socialistes se payent même le luxe de s’agiter autour des malheurs de l’ancienne femme du président et des facéties de la nouvelle. Ils ne devraient pas pour autant oublier ce qu’ont d’artificiel les comptes à l’issue d’un scrutin majoritaire à deux tours, sans parler du taux d’abstention record – le PS est loin de bénéficier d’un large soutien populaire.
Le risque du trop-plein de puissance est que certains dossiers finiront par être traités dans une logique socialo-socialiste plutôt que dans celle de la majorité de gauche plurielle du gouvernement Jospin. Ainsi les Verts, présents au gouvernement, pourraient subir une forte pression à céder encore plus sur l’épineux dossier nucléaire.
Quant à la gauche rouge, son influence parlementaire sera réduite, car Hollande se passera aisément de son soutien. Cela lui facilitera la tâche quand il essayera de faire passer un accord européen sur quelques dizaines de milliards d’euros d’investissements comme un « pacte de croissance », tandis qu’il avalera la couleuvre du « pacte budgétaire » merkélien. Mais quand il devra défendre des politiques de gauche, comme la taxation à 75 pour cent des revenus élevés, l’absence de la composante radicale de l’ancienne majorité plurielle affaiblira sa position face au lobbying au sein du PS.
En Grèce, le bon résultat de la droite populaire a permis de former un gouvernement de « grande coalition » entre Néa Dimokratía et le Pasok. Ces deux partis sont prêts à confirmer les termes de l’accord sur les aides européennes et ne demandent qu’un rééchelonnement. D’où l’euphorie de la plupart des dirigeants européens, qui avaient redouté une victoire décisive de la gauche autour de Syriza, le parti qui exige une renégociation complète des remboursements et des mesures imposées à la Grèce. Quant à François Hollande, cela lui évitera d’avoir à choisir entre la solidarité avec un gouvernement de gauche grec et la « cohabitation de raison » avec Angela Merkel.
Le soulagement de Hollande et de ses pairs risque d’être de courte durée, car la viabilité de l’arrangement grec est incertaine. Syriza a en effet encore amélioré son score, passant de 17 à 27 pour cent et s’épargne pour le moment l’exercice dangereux du pouvoir. Le parti de gauche radicale n’aura pas à quitter l’euro – hypothèse la plus probable – en expliquant à la population que le remède – l’austérité – serait pire que le mal – l’état de semi-faillite budgétaire. C’est désormais le nouveau gouvernement qui démontrera in extenso « combien pire » est le remède. En laissant à Syriza le rôle du sauveur qui, d’ici quelques mois, libérera la Grèce du diktat néo-libéral et précipitera le dénouement de la crise européenne.
Happy end ? Probablement pas, car d’ici là, les politiques pernicieuses guidées par l’orthodoxie libérale, fut-elle modérée, auront fait encore plus de ravages, et la construction européenne elle-même risque d’en faire les frais.