DÉMOCRATIE: Méfiance

La naturalisation éclair de Stéphanie de Lannoy et la défiance politicienne envers un référendum sur la constitution ne sont que les deux faces d’une même médaille : celle d’un pouvoir autiste qui se méfie de son peuple.

Le mariage princier est dans de mauvais draps : d’abord la nouvelle que finalement France Télévision ne veut pas transmettre en direct la cérémonie, puis l’absence éventuelle du couple princier britannique, William et Kate, qui seraient tout de même des invités de marque. Heureusement que d’un autre côté, les choses avancent plutôt bien : la comtesse Stéphanie de Lannoy deviendra luxembourgeoise, simplement parce que le ministre Biltgen s’est donné la peine de formuler une loi qui le veut. Un fait qui n’est pas passé inaperçu et qui a déclenché l’ire de – certains – partis de l’opposition. Alors que les Verts se sont contentés d’un communiqué de presse semi-ironique dans lequel ils demandent de saisir l’occasion pour repenser la loi sur la naturalisation, alourdie en 2008, le député déi Lénk, Serge Urbany a déclaré qu’il allait voter contre cette loi. Mais, alors que même les pirates ont saisi l’occasion pour publier un communiqué, le DP et l’ADR sont restés – jusqu’ici du moins – muets comme des carpes. Et les socialistes ne semblent pas non plus s’offusquer des privilèges aristocratiques.

Cet octroi de la nationalité est certainement questionnable d’un point vue moral, même s’il est légal. Car il nous rappelle que la loi n’est pas la même pour tous et qu’être de noble descendance reste un privilège non seulement matériel, mais aussi en ce qui concerne les droits politiques. Car si toutes les autres gens qui aspirent à notre nationalité doivent remplir la clause de résidence de sept ans, prendre des cours de luxembourgeois et se débattre interminablement avec la bureaucratie, la future épouse du grand-duc a juste besoin d’attendre que la chambre des députés vote « son » projet de loi. De surcroît, au-delà du sempiternel débat sur l’utilité d’une monarchie au 21e siècle, ce fait divers démontre un certain autisme du pouvoir à travers l’évidente non-chalance avec laquelle ce projet de loi lapidaire a été conçu : il ne contient aucun exposé des motifs, ce qui aurait été la moindre des choses. Cet autisme se confirme dans un autre contexte, sous forme de méfiance envers le peuple : les réserves émises par le rapporteur du projet de loi sur la nouvelle constitution, le député CSV Paul-Henri Meyers, sur la possibilité d’un référendum.

Selon lui, le pays n’aurait pas fait les meilleures expériences avec les référendums. Une thèse que la nouvelle édition du magazine forum, qui paraît cette semaine, a su brillamment contrecarrer. En effet, tous les référendums ont été salutaires aux pays, c’est seulement le pouvoir qui a pris des claques. Que ce soit celui sur la loi muselière ou encore sur la constitution européenne : à chaque fois, le gouvernement en place n’a pas obtenu le résultat escompté. La peur d’un référendum se lit aussi dans les réponses données par Laurent Mosar, le président de la chambre des députés, et par Paul Schmit et Victor Gillen, deux membres du conseil d’Etat, dans le même numéro de forum. Le magazine présente un dossier complet sur la question qui est en même temps un playdoyer pour un débat sociétal sur la nouvelle constitution. Une constitution certes plus moderne, mais qui ne cherche pas à abroger certains privilèges anachroniques.

Clairement, la classe politique est toujours sous le choc de 2005, quand le référendum sur la constitution européenne a failli se terminer en débâcle. Le risque est réel qu’un référendum puisse annihiler tous les efforts entrepris pour réformer la constitution luxembourgeoise – mais c’est la règle de la démocratie, qui exige que le peuple – souverain après tout – puisse décider de sa propre constitution. De surcroît, le gouvernement craint aussi qu’un référendum soit l’occasion pour beaucoup de citoyens de sanctionner sa politique, en votant contre par principe.

Que faire ? Ressortir la guillotine n’étant pas vraiment une option, il ne reste au peuple que de revendiquer la transparence des décisions que le pouvoir prend dans des antichambres opaques et d’espérer que ce pouvoir lui fasse au moins assez confiance pour qu’il puisse décider de son sort.


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