AÉRO-TAPAGE NOCTURNE: Vols de sommeil

Faut-il autoriser des vols de nuit afin d’éviter la faillite ou le départ de Cargolux ? Comment mettre fin à la concurrence et au nivellement vers le bas à l’échelle européenne ?

« Que Cargolux aille au diable », c’est ce que les personnes massivement affectées par le bruit des vols de nuit doivent se dire tous les matins. Leur nombre risque de s’accroître dans les années qui viennent, si le chantage actuellement entrepris par la société de fret aérien devait aboutir. Tirant argument des mauvais résultats financiers de la compagnie, sa direction demande ouvertement une extension de la possibilité de faire décoller et atterrir leurs gros porteurs à n’importe quelle heure de la nuit. Parallèlement, elle s’attaque aux acquis sociaux des salariés et demande une injection de capital à l’Etat. L’arbitrage, qui se fera dans le cadre d’une tripartite, excluant les représentants des riverains, pourrait bien sacrifier l’environnement et la santé sur l’autel de la paix sociale et de la politique économique…

Pourtant, l’opposition à une croissance sans borne du Findel est en train de se reformer. Contrairement à la décennie d’avant la crise, ce n’est plus la quantité de mouvements aériens qui est en jeu. Qu’il s’agisse de passagers ou de fret, la demande est en recul, mais Cargolux semble avoir de plus en plus recours à des vols nocturnes afin d’attirer des clients. En effet, à l’aéroport de Luxembourg, la soi-disante interdiction des vols de nuits est un artifice : la « nuit » commence à 23 heures et finit à 6 heures, et les dérogations sont nombreuses.

Dès juin, l’Union des syndicats d’intérêts locaux de la capitale avait adopté une résolution rejetant toute extension des vols de nuit. Sur proposition du conseiller Justin Turpel (Déi Lénk), le conseil communal s’était rallié à ces critiques, et avait chargé la commission de l’environnement de formuler une motion pouvant recevoir l’appui de l’ensemble du conseil. La motion en question doit être adoptée le 12 novembre et devrait demander le maintien du « statu quo » ainsi qu’une plus grande rigueur et transparence en matière de dérogations. Le fait qu’une telle motion soit soutenue par le LSAP et le CSV fera-t-il changer d’avis le gouvernement ?

Rappelons que même d’un point de vue économique, le recours aux vols de nuit ne tient pas la route. En effet, la compétitivité du Luxembourg se fonde d’une part sur son image « luxe, calme et stabilité », d’autre part sur son entrée dans l’ère de l’économie de la connaissance, même si l’éducation traîne encore du pied. Condamner des dizaines de milliers de familles à une qualité de sommeil dégradée serait une approche très court-termiste. Plus généralement, on pourrait sans doute se passer quasi complètement de vols nocturnes si on se mettait d’accord sur une réglementation uniformément stricte à l’échelle continentale – mettant fin à la concurrence entre aéroports et au nivellement vers le bas des normes environnementales et sanitaires.

Hélas, au niveau européen, c’est l’inverse qui se prépare. Dans le cadre du « Better Airports Package » élaboré en 2011, la Commission avait proposé une harmonisation des restrictions d’exploitations liées aux nuisances sonores, notamment nocturnes. Certes, la Commission souhaite rendre obligatoire la consultation des riverains et propose d’interdire à terme les types d’avion les plus bruyants. Mais la principale motivation est ailleurs : les décisions sur d’éventuelles restrictions d’exploitation, comme une interdiction des vols de nuit, devraient se faire selon une « balanced approach » telle que définie par l’Organisation internationale de l’aviation civile. D’après le magazine en ligne Euractiv, cet « équilibre » devrait « respecter les besoins des voyageurs » et « prendre en compte les pertes en capacité de transport et l’impact sur la croissance ». On imagine ce que cette « approche équilibrée » donnerait dans le cas du Findel.

Au Parlement européen, qui procédera à un vote en commission sur ce sujet la semaine prochaine, les propositions de la Commission ne semblent pas faire l’unanimité. En pleine crise de confiance envers les institutions bruxelloises, de telles initiatives de la Commission, si elles ne sont pas stoppées, finiront par faire dire aux centaines de milliers de victimes du bruit aérien : « Que l’Europe aille au diable ! »


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