SREL: Cadeau de fin d’année

Le château de Senningen n’a pas encore livré tous ses secrets. Les archives du Srel qui y ont été dissimulées ne sont pas seulement un back-up, ce qui donne de nouveaux indices sur le fonctionnement arbitraire du service secret et de l’Etat.

(©flickr_kathera)

Peut-être que la raillerie à l’égard de celles et de ceux qui se sont dits surveillés à tort – ou qui suspectaient de l’avoir été – par le Srel va cesser pour quelque temps. Car la liste d’associations surveillées par le service de renseignement en dit long sur le fonctionnement et la logique avec laquelle l’Etat voulait se protéger contre des ennemis intérieurs. La phrase de l’ancien directeur du Srel lors de la fameuse conversation enregistrée avec l’ex-premier ministre Juncker – « Chaque personne qui n’était pas bien à droite était suspecte » – prend soudainement une nouvelle dimension. Toute tentative de relativiser la réalité d’un espionnage politique pendant et après la guerre froide en est devenue vaine. D’autant plus que cette découverte n’est probablement pas la dernière du genre. Car ce ne sont sûrement pas que les associations qui ont été suivies de près. On peut s’attendre à ce que des journaux et des publications d’opposition aient aussi été placés sous surveillance.

Pour certaines des associations sur la liste publiée par le Wort ce mardi, le fait d’avoir été espionné par le Srel ne doit pas être une grande surprise. En effet l’Amistad Luxemburgo-Cuba, Anti-Apartheid ou la Ligue communiste révolutionnaire savaient probablement qu’elles avaient un fan-club inofficiel. Pour d’autres, ont peut sérieusement se poser la question : en quoi le Srel les a-t-il considérées comme une menace ? Ainsi l’Institut d’études européennes et internationales qui est patronné par l’Etat lui-même. Ou encore l’association Luxembourg-Harvard, qui a eu droit à 300 pages. Tout aussi inquiétante, la surveillance d’associations et d’ONG qui oeuvrent pour le développement et le respect des droits de l’homme, comme Iwerliewen asbl, la Ligue des droits de l’homme et Amnesty International Luxembourg. Toutes ces associations avaient une chose en commun : elles appartenaient – à part la National Bewegung de Pierre Peters qui a eu droit à douze pages seulement – de près ou de loin au spectre de la gauche, qu’elle soit politique, syndicaliste ou écologiste.

Plutôt que d’afficher sa bonne volonté à répétition, le gouvernement ferait mieux d’au moins nous offrir une feuille de route sur comment il veut sortir du bourbier.

La paranoïa et l’incohérence de ces opérations de surveillance dévoile encore autre chose qu’un Etat sous la houlette de la droite qui cherchait à se protéger contre les idées progressistes de sa propre population. Elle montre aussi qu’à l’intérieur de l’appareil sécuritaire une certaine instabilité régnait, et que cet appareil n’avait pas confiance en ses propres hommes. Un constat qui est d’ailleurs en corrélation avec les mensonges et pertes de mémoire qui se perpétuent à la barre du procès Bommeleeër. Et qui se prolonge dans le conflit sans fin au sein même de la police entre officiers et subalternes, que le syndicat policier a épinglé une énième fois cette semaine. C’est le constat d’un Etat malade en profondeur.

Quant au nouveau gouvernement et à sa promesse de renouveau démocratique et de transparence, s’il veut vraiment la réaliser, il se trouve devant une tâche herculéenne. Il est peut-être encore un peu trop tôt pour attendre des résultats dans la mise en lumière des sinistres machinations du Srel. Mais plutôt que d’afficher sa bonne volonté à répétition, le gouvernement ferait mieux d’au moins nous offrir une feuille de route sur comment il veut sortir du bourbier.


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