Tandis que l’archevêque Hollerich tire la sonnette d’alarme, la communication gouvernementale chaotique sur la séparation de l’Etat et de l’Eglise trahit la nervosité de la coalition. Pourtant, le « Kulturkampf » tant redouté n’aura probablement pas lieu.
Quand on se retrouve dos au mur, on se doit de réagir. Et parfois l’attaque est la meilleure défense. C’est probablement ce que s’est dit l’archevêque Jean-Claude Hollerich en donnant une interview alarmiste, voire incendiaire, à l’agence de presse catholique KNA. Soutenant que le gouvernement serait sous l’influence « d’associations d’agnostiques » très agressives contre l’Eglise catholique, il a aussi prédit la banqueroute de son institution dans trois ans, si l’Etat osait arrêter de payer les salaires de son personnel. Il aurait peut-être dû ajouter que cette faillite n’arrivera que dans la perspective d’une politique inchangée de la part de l’archevêché.
En même temps, le gouvernement, ou mieux les différents ministres, voire députés, membres de la coalition au pouvoir jouent à la procession d’Echternach : tandis qu’Etienne Schneider et Alex Bodry confirment la venue d’un impôt pour l’Eglise, le premier ministre et ministre des Cultes Xavier Bettel fait marche arrière en signifiant que rien n’est encore décidé. Or il faut se décider, et vite : l’occasion d’en finir une fois pour toutes avec le financement des cultes par l’Etat ne reviendra peut-être pas de sitôt. D’autant plus qu’elle semble encore plus logique à une époque où la « consolidation budgétaire » est devenue parole d’Evangile.
La séparation radicale voulue par des générations de « Paafefrësserten » n’aura probablement pas lieu.
Mais les tractations et manoeuvres dans le noir clarifient au moins une chose : la séparation radicale voulue par des générations de « Paafefrësserten » n’aura probablement pas lieu. Pour cela, il n’y a qu’à réécouter les propos du ministre de l’Intérieur Dan Kersch, socialiste lui aussi, sur les fabriques d’Eglise ; propos étrangement conciliants avec ces microsatellites ecclésiastiques au niveau communal. Rappelons que même la commission d’experts mise en place par François Biltgen les avait désignées comme étant démodées. Et pour cause : les fabriques d’Eglise sont un privilège vieux de plusieurs siècles qui coûte non seulement des fortunes aux communes mais qui est également inéquitable par rapport aux autres cultes conventionnés, qui ne profitent pas de cette manne. Pas étonnant donc que cette question soit traitée par une plateforme spéciale et non par celle fondée par toutes les communautés religieuses.
Alors que faire ? Un impôt pour l’Eglise ne ferait sens que si les personnes n’appartenant à aucun culte pouvaient y échapper. Pour cela il faudrait, comme le CSV l’a remarqué lors de son briefing oppositionnel cette semaine, changer une loi des années 1980, proposée par Robert Krieps à l’époque, qui interdit à l’Etat d’inscrire la religion des citoyens dans ses bases de données. Mais est-ce plus compliqué de changer une loi des années 1980 que d’en abroger certaines qui datent du début du 19e siècle ? En tout cas, quand Hollerich prend parti pour un « nouveau concordat » entre l’Etat luxembourgeois et le Vatican, il est proche du délire. La direction prise par le nouveau gouvernement n’est pas celle-là, mais il doit maintenant prendre position et vite, car ce sont les situations ambiguës qui souvent déclenchent les pires tensions. Pour éviter cela, une solution équitable doit être trouvée. Une solution qui sépare définitivement les communautés religieuses de l’Etat, sans compromis.
S’y ajoute que le grand problème de l’Eglise catholique est ailleurs. Car dans la situation présente, elle ne peut que perdre : financièrement, si le gouvernement va au bout de ce qu’il a promis, ou moralement, si elle parvient à sauver ses privilèges.