Le cercle est autour de nous, à nous de l’élargir
„Le cercle“ de Jafar Panahi montre la réalité quotidienne des femmes iraniennes et l’importance qui revêt l’autorisation du mari, ou du père …
Le générique de début s’ouvre sur une porte de salle d’accouchement où l’on entend des gémissements de douleur la première image s’arrête sur l’infirmière annonçant à la nouvelle grand-mère: „Tout s’est bien passé. C’est une petite fille adorable“.
Stupeur de la femme qui s’effraye de devoir l’annoncer à la belle-famille, pensant que sa fille sera répudiée pour n’avoir pu donner naissance à un fils. Destins de femmes iraniennes filmées par Jafar Panahi, ancien assistant d’Abbas Kiarostami.
Dès les premières minutes du film, l’on comprend se trouver dans un cercle du genre vicieux. Ce cercle est l’élément symbolique de cette histoire, de ces femmes à Téhéran. On saisit pour chacune d’elles, un fragment de vie.
La réalité de face
Panahi a choisi de montrer la réalité de face, sans recourir au style métaphorique de ses oeuvres précédentes („Le ballon blanc“ et „Le Miroir“) – ni au monde de l’enfance: „Dans mes premiers films, j’essayais que la caméra soit à hauteur d’enfant. Quand on a affaire au monde des adultes, la métaphore n’est plus pertinente. Surtout si la réalité est aussi cruelle“ De fait, le réalisateur persan filme ces femmes comme en reportage, la caméra souvent à l’épaule. Il n’y a pas de musique pour se bercer d’illusions, seulement les bruits de la rue, la rumeur ambiante et la peur palpable de ces héroï nes anonymes constamment stoppées dans leur quête de liberté par un système sans concession.
Pour d’obscures raisons, trois des femmes se sont évadées de prison, et cherchent à refaire leur vie. Elles ont beau se débattre, le cercle ne se brise pas: celle qui cherche à rejoindre son village natal en prenant le bus n’y parviendra que grâce au bon coeur d’un vendeur de tickets. Il est, en effet, obligatoire pour une femme d’avoir l’autorisation du père ou du mari pour voyager. Difficile à concevoir dans nos sociétés occidentales, réalité quotidienne pour les femmes iraniennes qui de même ne peuvent avorter qu’avec l’autorisation du mari, ou du père.
Mais comment faire quand on se retrouve enceinte sans être mariée, que l’amant a été exécuté par les autorités et que le père ne veut plus entendre parler de sa fille déshonorée? Par ces constats, Panahi ne cherche pas expressément à dénoncer le système de valeur iranien: „Ce film a été fait en Iran mais je voulais montrer que tous les êtres humains sont enfermés dans un cercle. Les dimensions de celui-ci varient en fonction d’éléments géographiques, culturels etc, mais il est toujours là. Je souhaitais témoigner de l’effort, du combat des êtres humains pour faire en sorte que le cercle s’élargisse.“
Un écho saisissant
A l’heure de la journée mondiale de la femme, les propos du réalisateur trouvaient un écho saisissant; en effet, si en Europe, la condition de la femme n’est pas comparable à celle en Iran ou en Afghanistan, où l’on peut clairement évoquer la catastrophe humanitaire, on constate encore des différences aux racines tenaces entre hommes et femmes. Cela se remarque, par exemple, dans les salaires des femmes par rapport aux hommes puisque ces derniers, à travail égal, gagnent en moyenne 20% de plus, ou encore, dans la répartition des tâches au sein du foyer de petites choses en regard d’autres régions du monde mais qui nous rappellent que le cercle, bien que fort élargi, pourrait, laissé sans surveillance, se resserrer insidieusement.
Il est un autre fait à souligner: le cercle ne concerne pas que les femmes, mais bien tous les êtres humains. Chapeau bas, monsieur Jafar Panahi, d’oser par votre art, agrandir le vôtre.