Leconte Patrice: L’histoire de Marion

Si Patrice Leconte a réussi à éviter les pièges d’une histoire qui aurait pu être sordide, il est quand même tombé dans les filets d’un joli minois.

Rêver l’impossible? Qu’un beau jour le prince charmant, l’élu de son coeur viendra et que le monde sera beau.

Patrice Leconte, cinéaste ô combien prolifique avec un nouveau film chaque année, s’est toujours intéressé aux atmosphères particulières, aux mondes à part. Souvenez-vous de „La fille sur le pont“, ou encore de „Ridicule“. Il nous confronte chaque fois au choc d’un monde avec son propre imaginaire. Cette fois, il a choisi de revisiter, à sa manière, les bordels à froufrou des années quarante, avant que les prostituées ne se retrouvent définitivement sur les trottoirs et que les maisons closes le soient au sens propre après l’avoir été au figuré.

Le contexte étant posé, il ne faut pas s’attendre pour autant à un film documentaire sur la vie dans les bordels. Leconte évite soigneusement le versant sordide, sans espoir, pour se concentrer sur une vision poétique, sensuelle, presque décorative de ce Palais Oriental où les prostituées sont comme des soeurs, unies par une même chimère, celle de l’homme qui les délivrera pour les faire entrer dans la vraie vie. „J’avais envie de positiver, de styliser, que cela sente bon en poussant la porte du Palais Oriental, que la chair soit joyeuse“.

L’action débute dans les années cinquante; Catherine Mouchet, flanquée de deux collègues, fait le pied de grue par une nuit pluvieuse. Pour passer le temps, elle raconte la profession du temps de sa splendeur, lorsque les putes pouvaient encore se réfugier dans le giron douillet des maisons closes. Sur un mode narratif mélancolique, l’histoire commence par ce que l’on peut appeler dans le langage du milieu „un accident de travail“ appelé P’tit Louis. Ce fils de pute, sans mauvais jeux de mots, devient la mascotte du bordel, l’homme à tout faire qui a su trouver sa place et se rendre indispensable. Son rêve: trouver une femme, une seule, et s’en occuper.

C’est là que surgit „le plat du jour“, c’est à dire une fille de passage, qui passe de bordels en maisons closes, ce qui revient au même, et vient s’installer au Palais Oriental. Il ne faut pas plus que ce joli visage triste appartenant à Marion (Laeticia Casta) pour faire fondre P’tit Louis le restant de ses jours. Il devient son ange gardien, son Cyrano et lui cherchera l’homme de ses rêves, plus séduisant que lui, plus „prince charmant“. Le bel élu, joué par un Vincent Elbaz un peu fade, ne s’avère pas à la hauteur des espérances placées en lui; petite frappe instable, incapable de suivre Marion dans sa marche vers les sommets, ses envies de music hall …

L’argument, certes ténu, comme souvent chez Leconte, n’empêche pas le charme d’opérer. Le plus surprenant reste probablement la prestation de Laeticia Casta. Peut-être se souvient-on de la catastrophique „bicyclette bleue“ qui semblât sonner le glas d’une possible carrière au cinéma. Il faut reconnaî tre que la belle s’est fort appliquée depuis et bien que ne possédant pas (encore) l’étoffe des plus grandes, elle retrouve une certaine crédibilité dans ce rôle.

La justesse de Catherine Mouchet et le jeu touchant de Patrick Timsit apportent une qualité certaine au casting et pourtant, la mayonnaise ne prend jamais tout à fait. Comme si Leconte avait opté pour l’élégance en oubliant d’y rajouter l’étincelle. „Rue des plaisirs“ est un joli travail d’artisan, un film mineur dont on pourrait se satisfaire si on n’en attendait pas plus du réalisateur du „Mari de la coiffeuse“. En fin de compte, on se retrouve comme les trois putes du début: sur le trottoir, et pas dans le Palais Oriental, à écouter avec envie Catherine Mouchet nous raconter l’histoire de Marion.

Séverine Rossewy

A l’Utopia


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged , .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.