Afrique-Europe : Accords à double tranchant

En marge de la déclaration sur l’état de la nation et des interminables batailles politico-politiciennes qui s’ensuivent, la Chambre des député-e-s a ratifié une multitude d’accords de partenariat économique avec des pays africains – qui risquent de ne pas leur être profitables.

Illustration : Pixabay_Artsydee

Sur le papier, ça sonne bien, il faut l’admettre : « L’objectif des APE (accords de partenariat économique, ndlr) est d’ouvrir le marché communautaire le plus largement possible aux pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique, ndlr), sur le modèle de l’initiative européenne « tout sauf les armes » (TSA). (…) Les dispositions de l’accord de Cotonou sur les droits de l’homme, le développement durable et sur le dialogue avec les parlements et la société civile vont continuer à s’appliquer. (…) [L’accord] inclut également toutes les mesures nécessaires à l’instauration d’une zone de libre-échange compatible avec les dispositions de l’article XXIV du GATT 1994. »

Ce dernier détail semble purement technique, mais ne l’est pourtant pas : c’est une source de contentieux entre pays africains et l’Union européenne depuis une dizaine d’années. En vertu dudit article, les zones de libre-échange doivent éliminer les droits de douane dans un « intervalle de temps raisonnable ». Tout est dans ce dernier mot : qui est le plus raisonnable ? Les Européens, qui veulent accéder aux marchés africains sans contraintes, ou les Africains, qui veulent donner une chance à leurs économies pour ne pas crouler sous la marchandise venue du Nord ?

En matière d’accord de partenariat économique, le gouvernement est en contradiction avec son accord de coalition.

Pour le Cercle de coopération des ONGD, la réponse est claire : il faut s’opposer aux ratifications prévues avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun et les pays d’Afrique australe. Dans un communiqué, il s’explique et pointe le fait que le gouvernement revient sur son propre accord de coalition. En effet, celui-ci prévoyait d’attendre une « évaluation objective » des accords déjà existants. Mais voilà que, alors que cette évaluation n’est pas encore terminée, le parlement prévoit déjà d’aller de l’avant.

Le problème est que, comme le formule le Cercle, ces accords « servent plutôt les intérêts de certaines grandes entreprises européennes » au lieu d’apporter une vraie plus-value aux pays concernés. Pays dont certains comme le Nigeria refusent d’ailleurs de conclure de tels accords avec l’Union européenne.

Mais il n’y a pas que la viande subventionnée, les produits laitiers et les légumes européens qui détruisent les économies locales africaines avec leurs prix de dumping : avec l’ouverture économique vient aussi le dumping fiscal. Car souvent, les entreprises européennes qui investissent dans des pays africains et même y implantent des industries ne le font pas de bon cœur, mais moyennant des abattements fiscaux importants – qui souvent passent par des places financières européennes ou offshore –, amoindrissant les revenus des États du Sud. Le « level playing field », mantra des défenseurs de la place luxembourgeoise, ne vaut pas pour l’Afrique et les autres pays en développement, qui sont priés de continuer à se laisser exploiter gentiment.

Certes, le tout se joue aussi au niveau géopolitique mondial, et la Chine est devenu un acteur important sur le continent africain – aussi parce qu’elle ne pose pas de questions sur les droits de l’homme et qu’elle se montre très flexible quant aux réglementations. Mais imposer des accords uniquement pour contrer la menace économique chinoise n’est pas le chemin idéal, si tout ce qu’on veut est donner un coup de pouce à des économies en développement.


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