Aide à la presse : Désinformation parlementaire

On savait le peu d’envie de la Chambre de rencontrer les représentant-e-s de la presse. Mais la gifle qu’elle a infligée à l’ALJP a fait du mal.

Après l’annonce de la commission des Médias de la Chambre de ne pas vouloir entendre l’Association luxembourgeoise des journalistes professionnel-le-s (ALJP) pour discuter du projet de loi relatif à un régime d’aides en faveur du journalisme professionnel, la consternation dans les milieux concernés s’est mêlée à un certain dégoût.

En effet, l’argumentaire placé sur chd.lu laisse entendre que l’ALJP voudrait retarder un projet « qui se trouve à la fin de la procédure législative » et que « les éditeurs attendent depuis de longs mois », alors qu’une « certaine urgence » serait de mise.

Ce passage du communiqué constitue de la pure désinformation, dans le sens qu’il laisse entendre que l’ALJP ne se serait activée qu’en dernière minute et qu’elle serait en opposition avec l’ensemble des éditeurs.

Mais les fake news colportées par le communiqué ne s’arrêtent pas là : le projet de loi aurait « fait l’objet de nombreuses consultations avec les acteurs concernés » et le texte constituerait « un compromis pour satisfaire un maximum d’acteurs ».

Un texte jamais discuté

En réalité, ce qui a été discuté jusqu’en automne 2019 avec la profession, ce sont des moutures de textes qui avaient peu en commun avec le texte présenté à la Chambre. Le processus avait mené à un certain nombre de questions, qui avaient même poussé le Conseil de presse, donc éditeurs et journalistes réunis, à constituer des groupes de travail pour éclairer le Service des médias du gouvernement, notamment autour de la définition même de journaliste professionnel-le.

Par la suite, le ministre des Médias a fait déposer en juillet 2020 un projet de loi qui changeait de fond en comble les principaux paramètres jusqu’alors retenus, en somme un texte qui n’a jamais été soumis au secteur auparavant et qui en plus ne s’inspire aucunement des résultats qu’auraient pu avoir les groupes de travail. Il va même dans une direction à l’opposé de ce qui s’était discuté auparavant, notamment en baissant le montant des subsides prévus par journaliste de 55.000 euros à 30.000 et en ne distinguant plus entre les différents types de médias.

Il est évident que ce texte arrangeait mieux les médias en ligne que leurs confrères « imprimés », mais cela n’a pas empêché une certaine unanimité contre lui. Tant l’Association luxembourgeoise des médias d’information (ALMI) que l’ALJP ont émis en automne des avis qui critiquaient la façon de procéder, et notamment la baisse massive du montant du subside par journaliste. Le Conseil de presse a encore fait siennes les revendications convergentes des deux. Tous ces avis étaient accompagnés alors par des demandes d’entrevues à réaliser dans les meilleurs délais.

La présentation du projet de loi en commission se fit de façon accélérée. Un rapporteur fut même désigné dès le 15 septembre – alors que le renvoi en commission n’a été opéré que deux jours plus tard.

Puis vint un long silence, et la commission ne s’est remise au travail qu’en janvier, en adoptant un certain nombre d’amendements suite à l’avis du Conseil d’État. Mais les points plus substantiels abordés dans les avis du secteur ainsi qu’un certain nombre de formulations qui vont lui rendre la vie difficile restaient inchangées. Les demandes d’entrevues étaient donc gentiment relancées, jusqu’à une ultime lettre ouverte de l’ALJP plus pugnace.

L’élan qu’avait pris au début le dossier a même animé certains prétendants à embaucher massivement du personnel, alors que le vote de la nouvelle loi semblait imminent. Or, les retards qu’a pris le processus n’incombent qu’à l’organisation interne de la Chambre.

Un problème qu’on aurait pu éviter en inscrivant, comme lors de la réforme en 1998, une rétroactivité dans la loi. Cela aurait adouci les mauvais choix entrepreneuriaux des uns et permis l’élaboration d’une loi en toute sincérité. Mais la majorité parlementaire n’en veut pas, et propose par contre de réviser plus tard le texte « en cas de nécessité ». Deux rédactions ont déjà péri durant le processus, et quand la nécessité évidente de changer le texte sera un jour discutée à la Chambre, combien d’emplois et de rédactions auront encore disparu ? La réforme de la réforme sera venue pour eux bien trop tard.


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