La quatrième directive antiblanchiment concoctée par la Commission européenne dans la suite des Panama Papers a déjà donné pas mal de maux de tête à la place financière et au gouvernement – et apparemment ce dernier n’est toujours pas en règle.
C’est par la voie d’un communiqué de presse que la Commission européenne a fait savoir qu’elle a déposé un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre le Luxembourg « au motif que ce pays n’a pas mis intégralement en œuvre les règles de lutte contre le blanchiment des capitaux ». D’ailleurs, la Commission européenne a demandé à la CJUE de soumettre le grand-duché à des astreintes journalières jusqu’à ce que celui-ci se soit mis en conformité.
Une nouvelle qui ne devrait pas faire régner la bonne humeur au ministère de la Justice, quand on prend en compte que la transposition elle-même a été enfantée dans la douleur. Déjà pointé du doigt par Bruxelles pour le retard dans la transposition, le Luxembourg avait encaissé des procédures d’infractions fin 2017 – notamment en lien avec cette directive. Ce qui fait doublement mal dans la mesure où, depuis Luxleaks, le storytelling du gouvernement est celui d’un « early adopter » de toutes les directives qui vont dans le sens de plus de justice fiscale.
Le Luxembourg n’est d’ailleurs pas le seul pays assigné devant la CJUE : comme le précise la Commission, des recours ont été déposés contre l’Irlande et la Roumanie. D’ailleurs une procédure contre la Grèce est actuellement en suspens, neuf pays sont au stade de l’avis motivé et huit à celui de la lettre de mise en demeure – dont l’Estonie et le Danemark.
Quant aux raisons qui ont motivé la Commission européenne de traîner en justice le grand-duché, le communiqué n’en dit pas plus. Pour Laurent Thyes, conseiller au ministère de la Justice, le mystère reste entier. Contacté par le woxx, il admet : « Nous ne savons pas ce que la Commission nous reproche exactement. Mais nous travaillons ensemble avec eux pour résoudre le problème au plus vite ». Quant à l’idée que la Commission européenne se serait peut-être heurtée au manque de transparence du Luxembourg en ce qui concerne la publication des bénéficiaires économiques des sociétés enregistrées au Luxembourg – l’accès au registre étant restreint, ce serait « une pure spéculation », selon Thyes.
Le gouvernement en gestation a donc dès lors du pain sur la planche. Outre les sanctions économiques qui pourraient frapper le pays, il devra aussi s’atteler à transposer la cinquième directive anti-blanchiment, qui, elle, imposera encore plus de transparence. La date limite pour la transposition a été fixée au 10 janvier 2020.