Changement climatique et droits humains : Inciter plutôt que décider

Sur le climat et les droits humains, Xavier Bettel ne veut pas contraindre les entreprises mais leur donner le temps d’adopter les bonnes pratiques en misant sur leur bonne volonté et des mesures incitatives. Une façon de perpétuer un modèle mortifère, dont la remise en cause ne figure pas à son agenda libéral.

Xavier Bettel lors de l’interview diffusée le 1er janvier par RTL. (Photo : capture d’écran RTL)

Xavier Bettel est un premier ministre libéral et ne veut pas dicter aux autres ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire, c’est contraire à son ADN politique : le chef du gouvernement l’a dit et répété lors de la traditionnelle interview qu’il accorde chaque 1er janvier à RTL. Pendant une heure vingt, il a répondu aux questions de la journaliste Caroline Mart sur la situation nationale et internationale, sur son propre bilan et ses attentes. Il a redit être candidat à un troisième mandat à la tête du gouvernement et a décoché quelques flèches en direction des socialistes et des écolos, ses partenaires de coalition. Plutôt de bonne guerre à l’aube d’une année électorale chargée.

Au cours de l’entretien, il a justifié ses positions en usant de métaphores plus ou moins heureuses. Il en est ainsi allé des 14.000 fonds d’investissements enregistrés au Luxembourg et plus largement du secteur financier : « C’est une vache à lait, mais si on la trait de trop, il n’en sortira plus rien », a dit le premier ministre en avançant qu’une politique sociale forte repose en premier lieu « sur une place financière forte ».

Cette place se drape désormais dans la vertu d’une finance verte et durable, mais il s’agit bien souvent de greenwashing, l’a interpellé la journaliste de RTL. « C’est un nouveau marché et tout ne peut pas être parfait du jour au lendemain, c’est un processus long », a rétorqué le chef du gouvernement sur le mode « il faut laisser du temps au temps ». Pour convaincre les entreprises, il met en avant le principe du pollueur-payeur, pénalisant les mauvais élèves et récompensant les vertueux. Comme nombre de ses homologues étrangers, Xavier Bettel se heurte à la contradiction entre l’urgence d’agir et son refus d’imposer les changements indispensables aux principaux responsables de la situation. La transformation radicale du modèle économique à laquelle appellent les scientifiques face au réchauffement climatique ne figure pas à son agenda libéral.

Comme nombre de ses homologues étrangers, Xavier Bettel se heurte à la contradiction entre l’urgence d’agir et son refus d’imposer les changements indispensables aux principaux responsables de la crise climatique.

Xavier Bettel a peu ou prou étalé les mêmes arguments sur le devoir de vigilance. Le sujet agite le patronat, car une directive européenne en discussion obligera les multinationales à prévenir et indemniser les atteintes aux droits humains liées à leurs activités. Face à Caroline Mart, qui lui a rappelé avec une certaine pugnacité que le pays veut exclure le secteur financier du texte européen, il a martelé qu’« on ne peut pas tout changer du jour au lendemain ». Les principes du devoir de vigilance ont été posés par l’ONU en 2011 et, depuis, les grandes entreprises traînent des pieds pour les appliquer volontairement. « On avance peu à peu », a confirmé le premier ministre.

Xavier Bettel a beaucoup insisté sur le besoin de préserver l’attractivité économique du pays. Selon lui, « les ONG disent qu’on ne va pas assez loin alors que le secteur financier dit qu’on va trop loin ». « La bonne solution est entre les deux », a-t-il conclu pour feindre une position équilibrée entre morale et affaires. Question : où donc se situe ce juste milieu quand on parle de droits humains ? Cela rendrait-il certaines transgressions acceptables ? Et que doit-on au juste accepter : le financement par une banque luxembourgeoise d’activités minières qui détruisent la santé de milliers de Péruvien-nes ? Ou la diffusion de vidéos de viols de mineures par MindGeek, numéro un mondial du porno dont le siège est à Luxembourg ? L’entre-deux prôné par Xavier Bettel s’entoure de nuances qui demandent assurément des éclaircissements.


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