Dans les salles : Io sto bene

L’Italie d’aujourd’hui et le Luxembourg d’hier, ou bien est-ce le contraire ? La coproduction italo-luxembourgeoise « Io sto bene », de Donato Rotunno, mêle avec tendresse les époques et les intrigues de façon plus ou moins réussie.

La vie devant eux : Mady et Antonio s’apprêtent à commencer une vie de couple au Luxembourg, pays d’accueil de ce dernier. (Photo : Tarantula)

La première scène est d’importance : Antonio, son cousin Vito et leur ami Giuseppe se rendent en train vers le nord de l’Europe, et c’est le contrôleur qui leur apprend que le Luxembourg et la Belgique ne sont pas un seul et même pays. Cette ignorance candide, cette juxtaposition de deux réalités qui semblent ne se toucher que par moments vont parcourir le film, où deux temporalités sont proposées. D’abord celle des années 1960, au cours desquelles Antonio va construire sa vie au Luxembourg et rencontrer sa femme, Mady, dans une société où se mêlent les langues et les origines. Et puis celle de l’époque contemporaine, où Antonio désormais veuf va faire la rencontre de Leopoldina, qui préfère qu’on l’appelle Leo, une vidéo-jockey italienne larguée par son copain au grand-duché lors d’une tournée européenne des boîtes de nuit.

Les parallèles entre époques sont naturels, avec ce Luxembourg constituant toujours un pôle d’attraction mais dans lequel tout n’est pas rose : en flash-back, une certaine discrimination locale et le poids des traditions importées du village italien ; de nos jours, la recherche d’un emploi pas si facile sans compétences linguistiques bien particulières, même avec un diplôme supérieur comme celui de Leo. C’est que le titre « Io sto bene » ne se réfère pas seulement à une chanson italienne du groupe CCCP des années 1990 (Massimo Zamboni, cofondateur du groupe, signe la musique du film), mais représente également un fil rouge. Dans les lettres à la famille restée en Italie, dans les conversations par chat, la formule « Je vais bien » sonne comme un pieux mensonge et un mantra d’autosuggestion. De fait, les personnages sont ballottés par une émigration pas aussi facile que celle à laquelle ils s’étaient attendus.

On le voit, le film se base sur une matière solide et apte à susciter la réflexion. S’y ajoute une véritable sensibilité pour le sujet de Donato Rotunno, dont on perçoit à chaque plan l’implication dans les histoires entremêlées qu’il raconte. Le film est-il une parfaite réussite pour autant ? Pas vraiment. On pardonne aisément, grâce à ladite implication, une réalisation peut-être un peu trop sage, qui ne sert pas de plans mémorables. Plus dommageable : la durée du film ne permet pas vraiment de dépasser les clichés liés à l’immigration italienne, et les péripéties vécues par les protagonistes ont quelquefois un petit air de déjà-vu – qu’il aurait fallu transcender par une réalisation surprenante, justement. La belle relation entre le vieil Antonio et la jeune Leo se trouve par conséquent trop accélérée dans son déroulement, à cause de la nécessité de mener deux histoires de front.

Au fil des scènes se forge finalement l’impression que le film est plutôt destiné à un public italien friand de découvrir un Luxembourg inconnu à travers le regard de compatriotes d’hier et d’aujourd’hui. Même si on ne peut demander à un unique long métrage de rendre la complexité narrative des romans sur le sujet de Jean Portante, « Io sto bene » laisse ainsi un petit goût de promesse non tenue, tant la production est soignée et la distribution talentueuse – l’incarnation émouvante en Antonio vieux de l’excellent Renato Carpentieri en constitue le sommet.

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