Dans les salles : Police

Profondément humaniste dans son message, « Police » sert un huis clos où les doutes s’invitent et où la stricte rationalité vacille. Un peu bancal dans sa structure, le nouveau film d’Anne Fontaine gagne cependant les cœurs par sa sincérité.

La lutte entre collègues est aussi mentale que physique. (Photo : Thibault Grabherr)

Il faut bien le dire : l’abondance de polars sombres où l’on explore également les facettes peu reluisantes de la personnalité des flics – ou leur vie privée déglinguée – est parfois étouffante. Si « Police » fait partie de cette catégorie, en quelque sorte, le film a toutefois l’avantage d’y greffer une réflexion intelligente sur le phénomène des reconduites à la frontière. On fait donc la connaissance d’Aristide, Érik et Virginie, qui doivent assurer une mission normalement confiée à un autre service, débordé à ce moment-là : conduire un réfugié tadjik en situation irrégulière à l’aéroport. Au cours du convoyage, à la faveur d’un coup d’œil sur le dossier, Virginie comprend qu’une mort certaine attend l’expulsé dans son pays. Elle va en conséquence s’évertuer à convaincre ses partenaires de le laisser filer dans la nature.

Le résumé officiel du film insiste sur cette partie centrale que représente le huis clos dans la voiture de police. Celui-ci est effectivement réalisé avec brio par Anne Fontaine à coups de joutes verbales, flash-back et sous-entendus, ainsi que mimiques ou borborygmes du prisonnier, qui ne parle ni français ni anglais. Il y a là une puissance de narration renforcée par les plans serrés et la nuit omniprésente, par le ronronnement du moteur et les caméras subjectives depuis l’habitacle. Mais voilà : avant que ce périple jusqu’à l’aéroport commence, le film s’attarde longuement sur une introduction aux quatre protagonistes, en tissant les heures qui précèdent dans un entrelacs de scènes connectées entre elles et variant les points de vue. Le procédé n’est pas forcément illégitime, mais s’arrêtera dès que les policiers et la policière acceptent la mission. L’équilibre du film s’en trouve donc un peu chamboulé, avec une introduction trop appuyée et un huis clos réussi mais qui tarde à arriver.

Mais quand il arrive, on l’a vu, « Police » se déploie enfin. La force du film est de se concentrer sur des destins individuels pour montrer la fragilité et les paradoxes de l’appareil policier, soumis à des règles strictes qui peuvent entrer en conflit avec les convictions personnelles. Virginie Efira (Virginie) et Omar Sy (Aristide) ne s’en tirent pas trop mal, sans pourtant briller, en retrait derrière leurs personnages très écrits (le scénario est tiré du livre éponyme d’Hugo Boris). Payman Maadi, qui joue l’expulsé, est plutôt un faire-valoir, mais c’est le rôle qui le veut. Côté interprétation, c’est Grégory Gadebois qui brille dans le rôle d’Érik : sa palette d’émotions est largement diversifiée, et il incarne à merveille les tiraillements entre son désir d’états de service impeccables et ses opinions potentiellement humanistes. Une belle composition qui hausse le niveau du huis clos et parvient à faire oublier l’introduction poussive.

Malgré son déséquilibre patent, « Police » mérite donc un détour par les salles obscures. Car il n’est pas inutile de rappeler que, derrière la police, se cachent aussi des êtres humains, avec leurs contradictions et leurs pulsions irrationnelles parfois, au regard des lois qu’ils doivent faire respecter coûte que coûte. Y réfléchir serait déjà un premier pas vers un traitement plus respectueux de celles et ceux qui n’ont pas la chance de naître ou de vivre au bon endroit.

Aux Kinepolis Kirchberg, Kinoler, Kulturhuef Kino, Prabbeli, Starlight et Sura. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XX


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