Dans les salles : Summerland

À un moment où toute nouvelle sortie cinématographique devient une bouffée d’air frais, les distributeurs jouent la carte du mélo sympathique avec « Summerland ». Heureusement, le talent de Gemma Arterton parvient à compenser quelque peu un parfum bien sucré et à peine acidulé.

Une relation difficile au départ, mais qui finalement… Est-il besoin de poursuivre ? (Photo : Michael Wharley/IFC Films)

C’est une sorcière, pas moins. « The beast from the beach », selon les villageois, faisant allusion au caractère peu amène d’Alice Lamb, qui vit recluse dans un cottage tout près de la Manche. Mais à Londres, les bombardements des nazis font rage. Des enfants sont envoyés dans des familles d’accueil pour leur sécurité, et l’écrivaine solitaire se voit confier Frank, dont le père est aviateur et la mère travaille dans un ministère. On imagine déjà la cohabitation difficile puis la complicité durement gagnée… D’autant que Jessica Swale, autrice du scénario et derrière la caméra pour son tout premier long métrage, aime à en rajouter du côté des métaphores : elle assimile sa protagoniste à la fée Morgane et convoque la mythologie néopaïenne, avec ce « Summerland », l’endroit où les âmes reposent après la mort, qui se matérialiserait par des îles flottant dans les nuages.

À l’apprivoisement mutuel d’une célibataire acariâtre et d’un enfant loin de ses parents viennent se greffer des retours en arrière sur l’histoire d’amour d’Alice avec Vera, une apprentie écrivaine noire rencontrée dans un concert. Les scènes sont cependant trop brèves pour constituer un véritable propos sur l’amour pour une personne de même sexe ou de couleur de peau différente dans les années 1940. Et la comédienne Gugu Mbatha-Raw peine à convaincre plus par manque de temps à l’écran que par manque d’engagement. Côté histoire, c’est donc la grosse artillerie, quasi prévisible et doublée d’un certain papillonnage de sujets. Ce qui n’a apparemment pas gêné la British Academy of Film and Television Arts, qui a décerné une bourse pour l’écriture du scénario en 2012 à la future cinéaste. Le jury avait-il lu un synopsis ?

On pourrait ainsi continuer à pointer divers autres défauts du film, comme l’atmosphère idyllique de ce petit coin du Kent qu’on aurait plutôt vu en alerte permanente à l’époque. Mais si « Summerland » n’est pas le fiasco qu’il aurait pu être, c’est surtout pour l’incarnation que son actrice principale – et productrice exécutive, tiens, tiens… – fait d’Alice Lamb. Loin de surjouer l’aigreur au début, Gemma Arterton impulse à son personnage une fragilité palpable dès la scène initiale, où elle se paie la tablette de chocolat que convoite une enfant. La comédienne parvient à rendre visibles avec retenue, par son jeu et ses expressions, les failles si prosaïquement révélées dans le scénario. Son duo avec le jeune Lucas Bond, qui incarne Frank, fonctionne plutôt bien. Et puis le film réserve quelques bonnes surprises du côté des seconds rôles, tel le vétéran Tom Courtenay, qui apporte une belle dose d’humanité à son personnage de directeur d’école.

Entendons-nous bien : à une époque sans confinement, avec des sorties normales, « Summerland » ne serait qu’un sympathique film britannique de plus, qu’on pourrait aisément rater afin d’aller voir une proposition cinématographique plus accomplie. Mais en ce moment, alors que les nouveautés sont quasi absentes, on a envie d’y croire, et Gemma Arterton y contribue largement. Pourquoi ne pas céder aux sirènes du grand écran, après tout ? Espérons simplement que nous ne devrons pas utiliser cette dernière phrase trop souvent dans les semaines et mois à venir.

Au Kinepolis Kirchberg et à l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

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