Dans les salles : Yuli

Exploration biographique sur le danseur Carlos Acosta par le langage du corps, « Yuli » ravira sans aucun doute celles et ceux qui mettent la danse sur un piédestal, mais peut-être un peu moins les cinéphiles.

Une audition d’entrée un peu particulière pour un destin extraordinaire. (Photos : Denise Guerra)

La Havane, dans les années 1970. Yuli, surnom indien donné au jeune Carlos Acosta, est un garçon espiègle, féru de football et de break dance. Rien ne le prédestine à la danse classique. Son père, descendant d’esclaves, a cependant de grandes ambitions pour lui et le traîne à l’audition d’entrée de l’École nationale de ballet de Cuba. Si Yuli réussit finalement haut la main, c’est pourtant à son corps défendant : il rêve tout simplement d’une vie « normale », auprès de sa famille. Il va néanmoins devenir l’un des plus grands noms de la danse mondiale.

Dès les premières images, il est difficile de ne pas percevoir la profonde admiration que ressent Icíar Bollaín pour l’histoire hors du commun de ce jeune Cubain. C’est avec beaucoup d’empathie, malgré sa réalisation très classique, qu’elle plante le décor de cette fable d’ascension sociale dans laquelle percent autant le talent individuel que le destin d’un peuple, dans un Cuba soumis au départ aux diktats castristes. Mais voilà, empathie ne veut pas dire film réussi : les personnages sont souvent réduits à l’état de caricatures, entre le père fier de sa négritude et de sa progéniture au point d’en être injuste, la mère aimante mais souvent malade et le jeune Yuli qui ne veut pas, mais alors absolument pas danser. Serait-il devenu une star de l’English National Ballet, du Houston Ballet puis du Royal Ballet de Covent Garden si c’était vrai ? On est en droit d’en douter. Certes, il n’est pas difficile d’imaginer la relation d’amour-haine que ressent un grand artiste vis-à-vis de sa discipline… mais « Yuli » ne fait pas l’effort de la montrer, privilégiant en permanence l’argumentaire du « danseur qui ne voulait pas danser ».

Comme si ce simplisme ne suffisait pas, Icíar Bollaín se fait un devoir à presque chaque plan de transmettre une charge émotionnelle. Le petit Edilson Manuel Olvera, qui joue Carlos Acosta enfant, est ainsi le parangon du gamin craquant à l’écran. Et il ne se passe quasiment pas une scène sans que la cinéaste intime aux spectatrices et spectateurs de se réjouir ou de pleurer : à trop souhaiter créer des moments de cinéma mémorables, le film se perd donc un peu dans les méandres des métaphores. Même si celle de ce centre d’arts à la pointe de l’architecture, déjà en ruine alors qu’il n’a jamais été terminé, est un habile raccourci de l’histoire cubaine.

Heureusement restent les scènes de danse, qui raviront les aficionados. On y voit le Carlos Acosta actuel, à la tête de sa propre compagnie désormais, arpenter le plateau lors de reconstitutions d’épisodes de sa vie. Le montage alterné avec des flash-back est plutôt efficace, tout comme l’énergie qui se dégage des membres de la troupe. Quant au jeune danseur du Ballet national de Cuba Keyvin Martínez, qui incarne Acosta adulte au début de sa carrière internationale, le fait de jouer une étoile qu’on imagine aisément comme un de ses modèles lui permet de briller sur les planches. Un film à voir pour la danse donc, pour peu qu’on y soit sensible. Et pour admirer Carlos Acosta dans ses œuvres en chair et en os, bien meilleure option pour les cinéphiles, ce sera en novembre au Grand Théâtre.

À l’Utopia. Tous les horaires sur le site.

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