Démocratie : Ça fait joli, les jeunes

Plus d’un tiers des jeunes au Luxembourg ne croient plus en la démocratie. Le mépris dont fait l’objet leur avis sur la réforme des pensions risque de ne pas arranger les choses.

Le Jugendkonvent organisé à la Chambre, en novembre 2024. (Photo : Chambre des députés)

« La démocratie est sous pression » : le 6 janvier, Claude Wiseler dressait un constat préoccupant lors des vœux de Nouvel An à la Chambre des députés. À l’appui de son affirmation, le président du parlement se basait sur un Polindex dont les conclusions n’avaient pas encore été publiées, mais dont un chiffre l’alertait particulièrement : 35 % des jeunes luxembourgeois·es âgé·es de 18 à 24 ans pensent que la démocratie n’est pas la meilleure forme de gouvernement. Quant à savoir si leur faveur irait à un régime plus autoritaire, voire à une dictature, Claude Wiseler indiquait que l’enquête ne permettait pas de le dire avec précision. La question doit être creusée, a-t-il ajouté lors de la présentation officielle du Polindex commandé par la Chambre et dont les auteur·es s’alarmaient également des réponses des jeunes.

Dans un contexte de défiance croissante de la population envers la politique, tous âges confondus, Claude Wiseler préconisait une meilleure écoute des citoyen·nes « pour qu’ils aient le sentiment de pouvoir s’adresser à leurs représentants » et pour qu’ils et elles puissent « partager leurs préoccupations ». C’est tout le sens que le gouvernement affirme vouloir donner à sa consultation « Schwätz mat ! » sur les pensions. Dans ce processus, la ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, a répété à satiété la place déterminante qu’elle accorde aux jeunes, s’agissant de leur avenir et de la solidarité intergénérationnelle, sur laquelle repose le système par répartition du régime public des pensions.

Les jeunes l’ont pris au mot : Jugendrot, jeunesses des partis politiques, associations d’étudiant·es et d’élèves ou jeunes syndicalistes se sont emparés de ce dossier au contour techniquement aride et qui ne les concernera que dans une quarantaine d’années. Autant dire une éternité quand on a 18 ans. Martine Deprez n’a pas manqué de muscler sa communication en saluant cet engagement.

Que va désormais bien pouvoir dire Claude Wiseler aux jeunes pour les convaincre du bien-fondé de la démocratie ? Que leur engagement est fondamental, mais leur avis négligeable ? Que leur présence dans le débat est un alibi destiné à embellir la photo ?

Et qu’ont dit les jeunes ? Les positions sont nuancées d’une organisation à l’autre, n’excluant pas toujours un rapprochement de l’âge réel de départ à la retraite (60 ans) avec l’âge légal (65 ans). Mais un point a bien fait l’unanimité : pas touche au nombre d’annuités de cotisation nécessaires pour partir à la retraite, actuellement de 40 années. Une revendication forte et centrale envoyée aux orties par Luc Frieden, lors de sa déclaration sur l’état de la nation, le 13 mai, en annonçant que la durée de cotisation pour parvenir à l’âge de départ légal sera augmentée « de trois mois par an sur plusieurs années ».

« Cette mesure pénaliserait de manière disproportionnée les personnes d’âge moyen ainsi que les jeunes, qui ne sont pourtant pas responsables de l’insoutenabilité actuelle du système, largement imputable à l’insuffisance des réformes politiques au cours des vingt dernières années », a cinglé le Jugendrot le lendemain. Plus corrosifs, les jeunes verts ont prévenu : « Nous ne laisserons pas le CEO Luc nous exploiter. » « Le soi-disant dialogue n’était rien d’autre qu’un spectacle. Les jeunes ont été autorisés à participer symboliquement, pour ensuite être froidement ignorés », ont tranché Déi jonk Lénk, rejoignant l’avis des syndicats et d’une partie de la société civile.

Que va désormais bien pouvoir dire Claude Wiseler aux jeunes pour les convaincre du bien-fondé de la démocratie ? Que leur engagement est fondamental, mais leur avis négligeable ? Que leur participation au débat est un alibi destiné à embellir la photo ? L’issue de ce débat est une nouvelle occasion manquée de joindre la parole aux actes.


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