Déontologie : Portes ouvertes

Le départ de Tom Eischen du ministère de l’Économie pour rejoindre Encevo est un nouvel exemple de la fluctuation entre public et privé – une situation win-win pour le concerné, mais pas forcément pour le public.

Photo : Wikimédia/Hernan Pinhera

La pratique des « revolving doors » entre public et privé n’est pas nouvelle, mais rares sont les cas discutés publiquement. Par exemple, le départ de l’ancien président de la Commission européenne Manuel Barroso au conseil d’administration de Goldman Sachs juste après la fin de son mandat avait créé l’émoi. Dans ce contexte, il est aussi apparu que les liens entre Barroso et la banque d’affaires dataient du temps de son mandat à la tête de l’Union européenne et qu’il y aurait eu plusieurs visites officieuses au cours desquelles Goldman Sachs aurait obtenu des faveurs de la part du président de la Commission.

Le problème avec les portes tournantes est que celles-ci ne pivotent presque jamais en faveur du secteur public.

Le procédé est aussi typique des régimes peu regardants sur l’éthique et la déontologie, comme l’actuelle administration Trump aux États-Unis. Ainsi, cette semaine, un certain Joe Balash, haut fonctionnaire du département des affaires intérieures et connu pour ses efforts pour ouvrir l’Arctic National Wildlife Refuge aux compagnies pétrolières, a annoncé quitter son job étatique pour devenir vice-président d’une firme pétrolière qui pourra prospecter en Alaska grâce à son travail dans le public.

Certes, le cas de Tom Eischen est loin d’être aussi drastique, et il est vrai que l’État luxembourgeois reste l’actionnaire principal d’Encevo (28 %, 24,92 % ayant été vendus en 2018 à la China Southern Power Grid International, le reste appartenant à la ville de Luxembourg, la SNCI et la Poste). Toujours est-il que le savoir-faire, les réseaux et les connaissances acquises par l’ancien chargé de la Direction générale de l’énergie au ministère de l’Économie ont été acquis aussi grâce à de l’argent public, qui a assuré non seulement sa rémunération, mais aussi son éducation et sa formation continue. Des atouts suffisants pour assumer un poste clé important dans l’administration, qui seront maintenant à disposition du privé.

Le problème avec les portes tournantes est que celles-ci ne pivotent presque jamais en faveur du secteur public. Tout au contraire, elles sont un des exemples types du siphonnage du public par le privé. Les multinationales, les Big Four, les grandes banques, toutes ont des stratégies de ressources humaines visant à recruter des fonctionnaires. Que ce soit pour récompenser des services rendus pendant que celles-ci ou ceux-ci travaillaient pour l’État ou pour accéder à leurs contacts et savoir-faire pour mieux influencer l’administration qui intéresse l’entreprise. Nous sommes donc toujours en présence d’un mécanisme d’influence, bien caché la plupart du temps. Même s’il y en a qui ne se cachent pas, comme Luc Frieden, parti des bancs de l’opposition pour un poste bien rémunéré à la Deutsche Bank à Londres.

L’autre problème, au Luxembourg en particulier, est que les contacts entre l’économie et l’administration sont tellement étroits que de tels échanges n’apparaissent plus contre nature et que les pinceaux s’emmêlent facilement quand il faut établir qui gagnera quoi à de tels transferts. Pourtant, et surtout vu les rémunérations déjà importantes dans la fonction publique, un code de déontologie strict avec période de carence obligatoire pour chaque fonctionnaire qui part dans le privé ne serait certes pas du luxe.


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