Économie : Un horizon nuageux

Pour mener à bien sa politique de baisse fiscale, appliquer son budget et conserver le sacro-saint triple A, Luc Frieden parie sur une croissance conséquente du PIB. Mais ses attentes pourraient être douchées par un ralentissement économique, prévient le Statec. La menace vaut pour toute l’Europe, dont la croissance est en bonne partie tirée vers le haut par l’économie espagnole.

(Photo : Gerd Altmann/Pixabay)

Bien malin celui ou celle qui saura décrypter clairement le message du Statec sur le futur proche de l’économie luxembourgeoise dans le « Conjoncture Flash » du mois d’août, publié il y a quelques jours par l’institut statistique. Le pari d’une croissance de 2 % du PIB en 2024 sera-t-il tenu ? La question n’est pas anodine, alors que le budget transitoire présenté en mars par le ministre CSV des Finances, Gilles Roth, repose sur cette hypothèse optimiste pour maintenir le déficit de l’État central dans la limite de 1,9 milliard d’euros. La croissance est aussi l’élément moteur des baisses d’impôts promises par Luc Frieden, en particulier en direction des entreprises, qu’il veut rendre « fortes » afin de stimuler encore davantage la croissance. Et le premier ministre invoque aussi la croissance comme moyen de conserver le triple A du pays, une priorité pour lui.

Au premier trimestre, le Luxembourg semblait entrer dans les clous désirés par le gouvernement, avec une hausse de 0,5 % du PIB par rapport aux trois premiers mois de l’année. Pour le second trimestre, il faudra encore patienter pour savoir ce qu’il en est, le grand-duché figurant parmi les cinq pays de l’UE qui n’ont pas encore publié leur chiffre. Que dit dès lors le Statec dans son point mensuel sur l’économie luxembourgeoise ? « Les indicateurs de confiance se sont nettement dégradés en juillet dans l’industrie (au plus bas depuis 7 mois), le commerce de détail (plus bas depuis 7 mois aussi) et les autres services non financiers (plus bas depuis 10 mois), alors qu’ils avaient eu tendance à se redresser au 1er semestre. » Le Statec pointe notamment la baisse des ventes de voitures neuves particulières.

Ce constat morose est contrebalancé par quelques bonnes nouvelles. Dans la construction d’abord, où les entrepreneurs retrouvent un peu le moral selon l’institut statistique. Un retour relatif à la confiance qu’il convient de corréler avec le redressement des prêts immobiliers, alors que « le montant des crédits accordés pour des immeubles résidentiels au Luxembourg a augmenté de 9 % sur un an ». Le secteur aérien bénéficie également de « vents porteurs », puisque le nombre de passagers « a retrouvé son niveau d’avant-pandémie au courant de 2022 et l’a dépassé en 2023 (+ 10 % par rapport à 2019) ».

L’Allemagne à la traîne

Faute de disposer d’une boule de cristal, il est difficile, sur la base de ces données, d’anticiper l’état de santé de l’économie luxembourgeoise dans les mois à venir. Mais le Statec se montre globalement prudent, sinon pessimiste, invoquant tour à tour le contexte géopolitique et les inquiétudes pesant sur les économies américaine et chinoise. Il note cependant une croissance de 0,3 % du PIB de la zone euro au deuxième trimestre, confirmant « une phase de reprise ». Mais, nuance-t-il, « les résultats des enquêtes de conjoncture ont eu tendance à se détériorer récemment », ce qui pourrait augurer un ralentissement.

Dans le détail, d’importantes disparités apparaissent entre pays. L’Allemagne peine toujours à s’extraire du marasme, avec une baisse du PIB de 0,1 % au deuxième trimestre. La première économie de l’UE souffre d’un manque d’investissements et d’une baisse de ses exportations.

À l’opposé, l’Espagne affiche une croissance du PIB de 0,8 % pour le deuxième trimestre consécutif, la meilleure performance en zone euro. Le pays contribue ainsi pour 30 % à la croissance en zone euro, alors qu’il ne pèse que 10 % de son PIB, note le Statec. Ces résultats sont le fruit d’une fréquentation touristique en hausse, mais aussi, comme cela est le cas depuis plusieurs années, d’une demande intérieure fortement stimulée par les augmentations des salaires et des transferts sociaux vers les catégories sociales les moins nanties et les classes moyennes. Funambule de la politique, le premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sánchez, mise avec succès sur une politique de la demande, à contre-courant de ce que pratiquent la plupart des gouvernements européens. Un cap qu’il maintient avec ses actuels partenaires de coalition, le parti de gauche Sumar et les indépendantistes catalans, et qui s’est traduit par une nouvelle hausse du salaire minimum en février dernier. Celui-ci a augmenté de 54 % depuis 2018 et l’arrivée de Sánchez au pouvoir. La preuve qu’une politique sociale redistributrice est profitable à l’économie et à la croissance de son PIB, qui demeure l’alpha et l’oméga des dirigeant·es politiques.


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