Emmanuel Macron : Président par défaut

Emmanuel Macron l’a emporté largement face à Marine Le Pen. Pourtant, il peut d’ores et déjà compter sur l’opposition d’une bonne partie de la population.

N’a été élu qu’avec les voix de 43,6 pour cent des inscrits : Emmanuel Macron. (Photo : © epa)

Il est président par défaut. Élu avec 66,1 pour cent des voix face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron peut pourtant prétendre avoir obtenu un bon score – à première vue. Avec 25,44 pour cent, l’abstention atteint un chiffre historique. Le plus élevé depuis 1969, année qui avait vu le candidat du Parti communiste français Jacques Duclos, à la manière d’un Jean-Luc Mélenchon, refuser d’appeler à voter pour l’un des deux candidats du second tour.

En y ajoutant les votes blancs et nuls, qui atteignent un niveau jamais égalé avec 11,5 pour cent des votants – sans doute une conséquence de l’absence de consigne de vote de la part de la France insoumise -, le nouveau président n’aura donc été élu que par 43,6 pour cent des électeurs inscrits. Et ce malgré la menace, pourtant assez crédible, d’une accession du Front national au pouvoir.

L’année 2002, pendant laquelle un second tour avait opposé Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac, semble bien loin. Point de « sursaut citoyen », peu de manifestations dans la rue, une mobilisation électorale bien faible.

En définitive, Emmanuel Macron n’aura donc le soutien que d’une minorité d’électeurs. Et parmi ceux-ci, environ 43 pour cent ont indiqué avoir voté pour lui uniquement pour faire barrage au Front national.

Pour un président qui, lors de sa campagne, a annoncé vouloir réformer le droit du travail à coups d’ordonnances présidentielles, sa légitimité est bien faible et pourrait, dès des premiers jours, faire face à une opinion publique peu favorable. D’ailleurs, syndicats et autres organisations de la société civile ont d’ores et déjà annoncé vouloir lui mener la vie dure en se regroupant au sein d’un « front social ».

Quelle majorité en juin ?

Au-delà de ces menaces, les 100 premiers jours du nouveau président pourraient s’avérer d’autant plus difficiles qu’une majorité parlementaire ne lui est pas forcément promise. Élu en dehors du cadre des partis traditionnels, Macron compte bien remporter les élections législatives des 10 et 18 juin.

Que fera-t-il si son mouvement En marche ! n’atteint pas la majorité absolue ? Plutôt que de chercher une coalition, Macron compte sur des ralliements à sa cause venant des deux camps politiques traditionnels. Il ne devrait pas être déçu, vu le nombre de ralliements qu’il a déjà à son actif.

Mais la droite – ou ce qu’il en reste après la défaite cinglante de François Fillon – compte bien lui gâcher la fête et le forcer à la cohabitation. Si une telle cohabitation entre un président et un gouvernement issus de partis distincts n’aurait rien de nouveau – il y a eu des cohabitations entre gauche et droite à trois reprises sous la Cinquième République -, elle pourrait néanmoins bloquer l’élan réformateur du plus jeune président que la France a connu.

Le Parti socialiste ne semble a priori pas représenter de réel danger pour Macron en vue des législatives. Affaibli par le quinquennat Hollande et par le résultat historiquement faible de Benoît Hamon lors des présidentielles, il semble être en voie de disparition. Les multiples défections en direction d’En Marche ! – notamment celle, rejetée dans un premier temps par l’équipe de Macron, de l’ancien premier ministre Valls – et les luttes internes entre les partisans de Benoît Hamon et les tenants de la ligne « sociale-libérale » qui restent pourraient avoir raison de ce parti fondé sous l’impulsion de Jean Jaurès avec le nom de Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1905.

(Photo: Mutualité française)

Alors que Hamon a annoncé vouloir fonder un nouveau « mouvement politique » à la suite des élections législatives, Martine Aubry, Christiane Taubira et Anne Hidalgo n’ont pas attendu juin pour lancer « Dès demain », mouvement « humaniste », cette semaine. On assiste, à gauche, à une recomposition profonde du paysage politique.

Recomposition à gauche comme à droite

Recomposition accélérée par la volonté d’asseoir son hégémonie à gauche d’un Jean-Luc Mélenchon qui a annoncé, cette semaine, se porter candidat pour les législatives à Marseille, face au socialiste Patrick Menucci. Une véritable déclaration de guerre d’un candidat qui, fort de son bon score à la présidentielle et après s’être libéré du carcan du Front de gauche, ne veut rien d’autre que la mort du PS et la recomposition autour de son mouvement, la France insoumise, et… de sa personne.

Mais la recomposition ne se fait pas uniquement à gauche : à droite aussi, les choses se compliquent. Ainsi, des députés « juppéistes » seraient en train, eux aussi, de monter un nouveau « mouvement politique » – Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon semblent avoir lancé une mode. Et alors qu’à droite aussi, il y a des ralliements à En Marche !, le nouveau président flirte ouvertement avec l’aile libérale des Républicains. Ainsi, le nom d’Édouard Philippe, maire Les Républicains du Havre, est avancé régulièrement en tant qu’hypothétique premier ministre d’Emmanuel Macron.

À l’extrême droite, les positions de Marine Le Pen et de son bras droit Florian Philippot, tous les deux porteurs d’une ligne souverainiste, antieuropéenne et parfois « gauchisante », semblent plus que jamais compromises après l’échec cuisant du second tour. Les tenants d’un rapprochement avec la droite dure et catholique voient leur heure venue et se préparent à reprendre les rênes du Front national après les législatives.

La restructuration du paysage politique français ne fait que commencer, et son issue dépendra aussi en partie du résultat des élections de juin. Mais il semble d’ores et déjà clair qu’il y aura, à l’avenir, au moins trois camps politiques : une gauche antilibérale et aux accents « écosocialistes », regroupée autour de Jean-Luc Mélenchon, un « centre » réunissant ce qui était jadis la gauche « sociale-libérale » et l’aile libérale de la droite, et une droite dure, conservatrice, ralliant la droite des Républicains et une partie de ce qu’est aujourd’hui le Front national.


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