Festivals : Le cri de la petite sirène privée

Sting contre Siren’s Call – le petit scandale opposant un promoteur privé à un établissement public est surtout une bonne opération de com. Entre-temps, au Luxembourg, les festivals se meurent l’un après l’autre.

(Photos : Wikimédia)

Même s’ils ne sont pas (encore ?) partenaires officiels du concert de Sting, les confrères de RTL ont tout fait pour promouvoir cet événement sur leur site et sur les réseaux sociaux, en annonçant une grande star mondiale et en laissant au public le loisir de deviner qui ce serait. Alors que finalement, Sting, ça peut plaire aux uns et pas aux autres, mais ce n’est pas la découverte du siècle non plus, vu qu’il est passé l’année dernière déjà. Le vrai hic, c’est la date : le 30 juin aura lieu à Neimënster la deuxième édition du festival Siren’s Call – avec notamment la venue du groupe MGMT. Ce qui a provoqué un communiqué amer et ironique de la part du principal organisateur – l’Atelier – mettant en opposition un secteur privé, auquel apparemment tout le monde reprocherait son agressivité, et un établissement public qui avec de l’argent public ferait de la concurrence déloyale.

Mais est-ce vraiment le cas ? La vérité est plus nuancée : certes, l’Atelier est le promoteur principal du Siren’s Call, mais ce festival a lieu dans un établissement public, conventionné à hauteur de 185.000 euros avec le ministère de la Culture, et est également partenaire officiel. D’autant plus que plus que deux initiatives culturelles – la Nuit des lampions de Wiltz et le collectif Bamhaus – soutiennent le festival. Donc, on parlerait plutôt d’un partenariat public-privé dans ce cas. S’y ajoute que l’Atelier, même s’il est une boîte privée, a toujours entretenu des rapports proches avec les administrations. Qu’on évoque la bienveillance de la part des autorités communales à ses débuts ou la proximité de son patron Laurent Loschetter avec le pouvoir en place – rappelons qu’il a été nommé au conseil d’administration du Mudam et qu’il préside celui de la radio publique 100,7, ce qui n’a pas plu à tout le monde –, l’Atelier n’a jamais été une boîte comme les autres. Que quelqu’un dans une telle position attaque frontalement un établissement public n’est donc pas d’une totale honnêteté intellectuelle. Mais cela reste symptomatique de la libéralisation du monde culturel amorcé par la reprise en main des affaires culturelles par le DP et ses proches. On peut aussi se demander pourquoi la Rockhal organise un concert tellement mainstream, alors qu’elle pourrait, devrait même, être capable de justement courir des risques financiers dans le but de proposer des découvertes au public.

La réponse réside probablement dans le fait qu’elle a aussi un conseil d’administration qui fait pression pour accumuler les profits – ce qui est une logique perverse, mais communément admise pour presque tous les établissements publics culturels. Ainsi, Loschetter fait double gain à ce jeu : d’un côté il dénigre un établissement public, de l’autre il se fait de la pub gratuite.

Les grandes perdantes à ce jeu concurrentiel sont les initiatives culturelles.

Les grandes perdantes à ce jeu concurrentiel sont les initiatives culturelles qui, pendant des décennies, ont bossé pour monter des festivals et qui ne trouvent plus les moyens de continuer leur travail, faute aussi de soutien officiel : le festival d’Echternach tout comme le Food for Your Senses se sont ainsi, pour des raisons et avec des conséquences qui divergent, retrouvés sous le rouleau compresseur.

De toute façon, les « vrais » acteurs culturels échapperont heureusement au dilemme : le 30 juin, ils seront tous confinés au conservatoire de la Ville de Luxembourg où auront lieu les assises culturelles, au cours desquelles on leur présentera enfin le plan de développement culturel…


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.