He’s fired !

Trump n’aura pas de second mandat, c’est déjà ça. Pourtant, Joe Biden n’est pas l’homme providentiel qui ramènera le monde à l’ère Obama – ce qui n’est même pas souhaitable.

Trump à un de ses rassemblements en Arizona fin octobre. (Wikimedia_Gage Skidmore)

La défaite de Donald Trump aux élections américaines, c’est comme une longue constipation qui finit miraculeusement dans la cuvette après quatre ans de tortures intestines. Un monde sans le président orange, sans devoir prendre en compte sa personnalité narcissique, instable et détestable. Une Amérique où les suprématistes blancs n’auront plus droit de cité à la Maison Blanche. Des États-Unis où la corruption et le népotisme ne se dérouleront plus au grand jour, comme dans n’importe quelle république bananière.

Si le comédien John Oliver a raison de nous souhaiter de « célébrer comme une bande de pieuvres sous ecstasy » ce moment de réconfort, il n’est pas le seul à mettre en garde sur ce qui nous attend encore. Mis à part les emmerdes que lui réserve l’encore occupant de la Maison Blanche, Joe Biden doit éviter une masse d’écueils. Le premier est de ne pas tomber dans le même panneau que jadis François Hollande : ce n’est pas lui qui a gagné ces élections, mais Trump qui les a perdues. Et de justesse – 74 millions de votes pour Biden, 70 millions pour continuer sur la voie raciste et autoritaire.

Réconcilier les Américain-e-s des deux camps sera une tâche inédite, tant la haine a été un moteur de la politique intérieure américaine sous l’administration trumpienne. Et il ne faut pas s’attendre à ce que l’égomaniaque encore président commence à concéder aisément. Et il a raison, puisque son adversaire n’a pas remporté la victoire écrasante attendue – même dans une crise pandémique gérée de façon aussi incompétente et ayant causé la mort de plus de 200.000 Américain-e-s.

À l’intérieur du camp démocrate les guerres intestines – mises à l’écart pendant la campagne dans le seul objectif de battre Trump – sont aussi réapparues très vite. Ainsi, l’establishment démocratique a pris quelques heures seulement avant d’attaquer frontalement son aile gauche, comme le relèvent les collègues du magazine « Jacobin ». Même si sa victoire doit beaucoup aux tenant-e-s de la gauche, comme Alexandria Ocasio-Cortez (d’ailleurs réélue haut la main au Congrès américain avec ses collègues féminines issues de la diversité, surnommées « The Squad »), Stacey Abrams, qui a enrôlé plus de 800.000 votant-e-s dans l’État fédéral de Géorgie, et bien sûr Bernie Sanders, qui s’est dévoué en organisant plus de rassemblements que le candidat présidentiel lui-même.

Si Biden n’écoute pas la gauche, rien ne se dressera entre l’Amérique et une nouvelle tentative protofasciste.

Les premières listes qui circulent avec de potentiel-le-s candidat-e-s pour siéger dans l’administration Biden n’augurent rien de bon non plus. Mais si ce président continue à négliger le système de santé désastreux, à ne pas résoudre le problème de la violence raciste des forces de l’ordre et du système judiciaire, rien ne se dressera entre l’Amérique et une nouvelle tentative protofasciste. Les démocrates ne semblent toujours pas vouloir comprendre que si Trump a gagné en 2016, c’est parce qu’il a su exacerber les différences sociales énormes aux States et qu’il faudra plus qu’un statu quo pour en sortir.

Pour le reste du monde, qui comme tous les quatre ans a retenu son souffle, le sens de cette défaite républicaine dépend largement d’où on se situe. Ce n’est pas la meilleure nouvelle pour les alliés antidémocrates de l’ex-président, mais si l’Europe peut espérer une relation transatlantique moins tendue et plus prévisible, il faudra longtemps pour réparer les pots cassés. Et puis, sans Trump, les accords de libre-échange ne tarderont pas à refaire surface.

Finalement, l’élection américaine a montré qu’il est bien possible pour une démocratie de se défaire d’un leader qui veut essentiellement la détruire. Pourtant, et par pitié, il ne faudra plus se poser la question de savoir « comment ç’a pu arriver ». C’est oublier que les Italien-ne-s ont élu et réélu des Berlusconi comme des Salvini, que Bolsonaro est au pouvoir au Brésil, que le Royaume-Uni a un premier ministre aussi grotesque et dangereux que Trump, que la Hongrie sous Viktor Orbán est sur le point de virer à l’autocratie et que la Pologne est sur le droit chemin vers le Moyen Âge, sans mentionner la Turquie réottomanisée. Le populisme de droite sera toujours efficace là où ses adversaires ne s’intéressent plus aux fractures sociales et préfèrent le nombrilisme à une mise en question de leurs politiques. Celles et ceux qui veulent changer cet état de choses devront se passer des « politiques du milieu » et commencer à bâtir à gauche – et là aussi, l’Amérique d’Alexandria Ocasio-Cortez, de Sanders et de leur mouvement peut servir d’exemple.


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