Inflation : Le casse-tête énergétique

Le bouclier tarifaire instauré en 2022 pour limiter la hausse des prix de l’énergie arrive à échéance à la fin de l’année. Les coûts de l’électricité et du gaz pourraient, de ce fait, bondir de manière spectaculaire en 2025. Face au risque de choc inflationniste, le gouvernement veut sortir progressivement du dispositif, mais tarde à présenter sa stratégie. Les syndicats, qui seront associés à la discussion, sont dans l’attente.

(Photo : Andrey Metelev/Unsplash)

Votre facture d’électricité va-t-elle augmenter de 60 % en 2025 ? Et celle de gaz de 17 % ? Ces prévisions alarmantes, répétées par le Statec depuis des mois, seront déjouées si le bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie n’est pas levé brutalement. Négocié lors de trois réunions tripartites en 2022 et 2023, le dispositif avait pour but de limiter la hausse des prix de l’énergie, alimentée par un mouvement spéculatif consécutif à l’invasion russe de l’Ukraine. Cette mesure salvatrice pour les ménages arrive à échéance au 31 décembre. Alors que le Statec prévoit une inflation à 3,1 % pour le Luxembourg en 2025, contre 2 % en zone euro, il s’agit pour le gouvernement et les partenaires sociaux de prévenir un choc inflationniste qui affectera d’abord les revenus les plus modestes. Dès février, le ministre DP de l’Économie, Lex Delles, s’est prononcé en faveur d’un « phase out », soit, en bon français, d’une sortie progressive du dispositif. Il s’était engagé à présenter son plan au Conseil de gouvernement dans un délai de quelques semaines.

Or, trois mois sont passés depuis cette promesse et aucune annonce concrète n’est survenue. Signe que quelque chose coince au sein de la coalition, alors qu’il faut aussi l’aval du ministre CSV des Finances, Gilles Roth ? Au ministère de l’Économie, qui a la tutelle sur celui de l’Énergie, on certifie que cela se fera dans les toutes prochaines… semaines. La méthode et ses modalités seront ensuite présentées et discutées en vue d’une adoption définitive au sein d’une tripartite limitée à ce seul sujet, avec les syndicats et le patronat. Tant l’OGBL que le LCGB sont dans l’attente d’une date de réunion, alors que la question a déjà été largement abordée mi-avril avec le gouvernement, lors du dialogue sur le Semestre européen. « Il a été convenu qu’il y aura un rendez-vous », confirme Christophe Knebeler, secrétaire général adjoint du LCGB, précisant que son syndicat est évidemment demandeur d’une telle mesure. Il refuse cependant de s’avancer sur les contours que prendra l’accord : « Nous attendons de voir ce que le gouvernement va proposer pour entamer des discussions très concrètes. » Selon lui, celles-ci devraient avoir lieu avant l’été, car il faudra ensuite passer par l’adoption d’une loi par le parlement sur certains points, comme le plafonnement des hausses.

Un coût absorbable

« Nous avons insisté sur le fait que nous voulons être associés au processus de sortie progressif du bouclier, que cela ne soit pas juste une présentation du gouvernement, mais un véritable dialogue social », dit également Frédéric Krier, membre du bureau exécutif de l’OGBL. Il évoque les pistes déjà mises en avant par son syndicat, comme une sélectivité sociale afin de soutenir les ménages les moins aisés. « Mais le gouvernement estime que ce sera difficile, car les fournisseurs d’énergie ne connaissent pas les revenus de leurs clients. » Autre solution, une sortie étalée sur un an, avec, par exemple, « un rendez-vous trimestriel qui permettrait d’évaluer la situation en fonction des prix de l’énergie ». Frédéric Krier plaide aussi pour un plafonnement des tarifs ciblé sur certaines énergies, excluant notamment le mazout, « pas compatible avec nos engagements climatiques ». En tout état de cause, il estime qu’en l’absence d’une sortie progressive du bouclier tarifaire, « le choc serait énorme ».

(Photo : Arek Socha/Pixabay)

Un tel processus aura un coût pour les finances publiques. En 2023, le plafonnement du prix du gaz a coûté 202 millions d’euros à l’État et celui de l’électricité 108,5 millions d’euros, précise le ministère de l’Énergie au woxx. En 2024, il devrait en coûter 65 millions pour le gaz et 224,5 millions pour l’électricité. De quoi creuser un peu plus le déficit budgétaire (-1,2 % du PIB prévu en 2024), alors même que Gilles Roth veut serrer la ceinture de l’État et que le patronat entretient un discours catastrophiste sur les finances publiques. Pourtant, « le Luxembourg dispose de la marge de manœuvre budgétaire pour faire face à d’éventuels déficits budgétaires modérés au cours des prochaines années ». Et cela, ce ne sont pas les syndicats qui le disent, mais l’agence de notation Morning Star DBRS, qui a confirmé le « triple A » du Luxembourg le 10 mai, précisant que le pays peut affronter « une augmentation modérée des pressions budgétaires ». Il y a donc de la marge.


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