Justice européenne : Un clou de plus

Est-ce vraiment le moment de crier victoire pour les anti-Ceta ? En tout cas, un jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pourrait leur remettre le vent en poupe.

(Illustration : Wikimédia)

Même si paradoxalement « grâce » à la présidence Trump l’heure n’est plus tellement au libre-échange, mais plutôt à une guerre des tarifs commerciaux (encore faudra-t-il que son entourage le laisse faire), les mêmes acteurs qui ont enterré le cœur lourd le TTIP défendaient toujours bec et ongles le Ceta, quitte à jeter l’approbation démocratique par-dessus bord. Mais voilà que la CJUE vient d’émettre un jugement qui pourrait bien les mettre dans l’embarras, car elle a statué que les tribunaux d’arbitrage sont incompatibles avec le droit européen.

L’affaire est compliquée et pour la comprendre, il faut retourner à l’année 2004, quand la Slovaquie décida d’ouvrir son marché des assurances maladie aux prestataires nationaux et étrangers du privé. Ce qui conduisit la boîte néerlandaise Eureko BV (devenue Achmea BV depuis) à y ouvrir une filiale appelée « Union Healthcare » avec un capital de 72 millions d’euros. Malheureusement pour les Néerlandais, un nouveau gouvernement slovaque entré en fonctions en 2006 inversa cette décision en partie – surtout en ce qui concerne la distribution des bénéfices et les transferts de capitaux. Dès 2008, Achmea contesta cette décision devant un tribunal d’arbitrage situé, d’un commun accord, à Francfort-sur-le-Main en Allemagne. S’ensuivit un imbroglio judiciaire impliquant aussi un traité datant encore du temps de la défunte Tchécoslovaquie, qui mena jusqu’à la Cour fédérale de justice allemande, puis à la CJUE. Laquelle vient donc de trancher en faveur de la Slovaquie : un jugement d’autant plus inattendu que dans ses conclusions émises en septembre 2017, l’avocat général Melchior Wathelet de la CJUE n’était pas de cet avis.

(Photo : publicdomainpictures)

Ceta pas mort

Est-ce le moment de crier victoire pour autant ? Difficile à dire. En Allemagne, les partis « Die Grünen » et « Die Linke » ont communiqué de façon assez triomphale sur l’issue de cet épineux dossier : « Le gouvernement fédéral doit dire adieu aux tribunaux d’arbitrage », titraient les premiers, avant de revendiquer : « Le gouvernement fédéral doit tirer les conséquences de ce jugement et clarifier que les tribunaux d’arbitrage n’ont pas leur place dans tous les traités de protection des investissements présents et futurs. » Même son de cloche chez leurs confrères de la gauche, où c’est l’ancien eurodéputé siégeant désormais au parlement fédéral allemand Fabio De Masi qui a pris en main la thématique.

Pourtant, les choses ne sont pas si simples. En lisant le jugement en détail, on constate qu’en 2011, la Cour constitutionnelle de la République slovaque a émis un arrêt jugeant que « l’interdiction légale de distribuer des bénéfices était contraire à la Constitution. Par une loi portant réforme de l’assurance maladie entrée en vigueur le 1er août 2012, la République slovaque a de nouveau autorisé la distribution des bénéfices ».

Donc, si les tribunaux d’arbitrage peuvent désormais être considérés comme incompatibles avec le droit européen, cela ne veut pas dire que les cours de justice nationales protègent forcément mieux les citoyen-ne-s. Bref, c’est un pas dans la bonne direction, mais en aucun cas la nette victoire que certain-e-s ont été un peu rapides à saluer.


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